Festival de queues à la sauce de poule en tutu !

Posté le Jeudi 22 octobre 2015

Que se racontent trois queues lorsqu’elles se rencontrent ?

Si vous espérez trouvez dans ce texte des allusions douteuses ou coquines, vous vous trompez de blog.

Je veux uniquement évoquer et parler de « faire la queue ». Vous savez ces espèces de serpentin composés de couches successives de deux ou trois personnes, bien droites avec la tête sans cesse en mouvement telle celle d’un pigeon qui piste du coin de l’œil celui qui s’aventurerait à resquiller ou à faire semblant de connaitre un ami dans la file d’attente afin de grignoter quelques places.

Ce soir c’est un festival de queues qui s’est constitué sur l’esplanade autour du Grand Théâtre de Bordeaux, principalement du côté jardin. En effet, vu de la terrasse du monument (enfin je suppose) le spectacle est saisissant. Du cours du 30 juillet à la façade du théâtre, trois queues forment un immense dessin d’escargot.

La première queue démarre dans la gueule du célèbre restaurant bordelais, qui, heureux d’avoir gagné un procès sur son concurrent, continue d’offrir tous les soirs à une foule de moutons, sous la pluie, la canicule, le vent et le froid, son incontournable sauce à la recette bien gardée. Ce soir, cette queue atteint la rue qui sépare le trottoir de ce restaurant avec celui du Grand Théâtre. Concernant celui-ci, ce soir est donné un spectacle avec des pas de deux de ballet classique rendus célèbres grâce au chorégraphe Marius Petipa. La place au tarif unique, accessible à tous, donne accès à un placement libre dans la salle. D’où l’explication de cette queue interminable. Du jamais vu ! Elle allait de la porte centrale d’entrée du Grand Théâtre vers la gauche du théâtre, longeant la voie du tram pour se former en spirale sur la placote jouxtant le jardin.

J’espère que vous suivez mes explications et que vous dessinez en même temps. Pour le moment nous avons le corps arrière de l’escargot, sa coquille et la partie avant du corps avec pour l’instant une seule corne. La seconde corne ou plutôt la troisième queue démarre sur l’avant du corps de l’escargot pour disparaître dans le restaurant nouvellement installé dans le bâtiment du théâtre. Il attire la foule. Et comme dirait une personne sûre d’elle, qui attendait dans la file «  j’aime beaucoup ce restaurant, car on y mange des œufs de poule et ils sont très bons ! » Houlà ! me dis-je en écoutant cette remarque, à part la poule, je ne pense pas que soient servis des œufs de de pintade, de cane ou d’oie. De dinde peut être…No comment ! C’est vrai que faire la queue en plein courant d’air pendant des quarts d’heure pour un oeuf de poule, même très bien cuisiné par un très grand chef et à un prix bien au dessus de la moyenne, je me demande si ces gens ne feraient pas mieux de s’acheter directement une poule ! Je ne faisais qu’écouter. Je n’y suis jamais allé. Peut être que l’oeuf vaut la poule !

Tout à coup, alors que j’étais bien installé dans la plus grande queue, celle qui allait voir le ballet, toutes se mirent à bouger. Celle de la sauce magique diminuait de plus en plus. celle de la corne de mon dessin l’escargot, avide d’un oeuf de poule, avait pratiquement disparue et celle de la grande boucle en forme de crosse d’évêque se rendant à un spectacle de danse avançait  tel le corps de ballet de l’Opéra dans la disparition des cygnes sur le lac, au petit matin.

C’était assez beau et spectaculaire.

En quelques minutes les trois queues avaient disparues !

JCM-Bordeaux @ 15:57
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Don Carlo à l’Opéra de Bordeaux : un beau catalogue d’images tronqué !

Posté le Vendredi 25 septembre 2015

La version de Don Carlo de Guiseppe Verdi donnée en ce moment à l’Auditorium de Bordeaux me laisse perplexe. Sur les voix il n’y a rien à dire. Un plateau de chanteurs remarquables. Les quelques réserves que nous pourrions faire par ci par là deviennent anecdotiques. Le Chœur de l’Opéra de Bordeaux et le Chœur Intermezzo sont poignants d’expression et de puissance.

L’orchestre, projette au plus loin de la fosse sous le plateau scénique, les rondeurs et émotions souhaitées. Toutefois, je suis un peu gêné par la lenteur de la direction de Paul Daniel, tout au moins pour les deux premiers actes. Aurai-je l’oreille déformée par les nombreuses références discographiques ou scéniques ? Je n’ai pas été captivé pendant la première heure. Par contre pour les deux derniers actes,  tout bascule. Le Chef nous tient. Les chanteurs semblent s’engager un peu plus.

Venons-en à la mise en scène ou plutôt à ce déroulé de tableaux scéniques. Comment le metteur en scène Charles Roubaud a t-il pu être à la fois inspiré et désinspiré ? L’occupation de cet espace scénique, pour une production d‘opéra, est très ingrat. Sur les murs blancs d’un enclos construit autour de la scène et sur celui du fond du bâtiment de l’auditorium, des images vidéos sont projetées (feuillage, statues, cathédrale, prison, etc.). Ces images sont d’une magnifique beauté et s’intègrent comme un gant de satin sur ce fond de salle, encombré de fauteuils, barres de protection, etc. On fini par oublier tout cet encombrement. Seulement patratac, la dernière image que j’avais trouvée lors d’une répétition générale (regard indiscret), comme le clou visuel du spectacle, a ce soir, complètement disparu. Mystère ! D’après ma mini enquête dans les couloirs, j’apprends que le metteur en scène a décidé le jour J de la première représentation, de supprimer ce visuel. Dommage pour le spectateur ! Ce décor visuel final du dernier tableau de l’œuvre, représentait une grandiose croix dorée, la même que nous voyions toute petite en fond de scène au premier tableau, symbolisant le tombeau de Charles Quint. Cette croix projetée était entourée d’immenses candélabres aux cierges allumés et aux flammes vacillantes. Majestueux et efficace. Ainsi, une intelligente boucle était formée entre le premier et le dernier tableau de l’ouvrage. Il est évident que le public n’a pas eu la connaissance de ce changement brutal même si ce regret était évoqué à la sortie par de nombreux spectateurs. Ce soir de première, nous n’avons eu droit qu’à un mur de fond d’auditorium, nu, sans saveur et les sièges en vedette. Lorsque Don Carlo est entrainé par le moine dans les profondeurs du tombeau de Charles Quint, il ne se passe rien, c’est même laid.

Par ailleurs, j’ai été interpellé par les tenues vestimentaires des chœurs, assis sur les gradins face au public. Ils sont habillés avec leurs propres vêtements de tous les jours. Pourquoi pas ! Quels liens avec l’action se passant en tenue historique sur le plateau. Manque de moyens financiers ? Voyeurisme d’un public d’arène de jeux romains ? Témoins des tensions religieuses et politiques de la cour ? Ou tout simplement le miroir de nous, publics assis dans la salle ? La liste est longue. Tout le monde peut y voir ce qu’il veut. Si c’est l’approche de cette dernière interprétation, j’accepte alors cette pauvre, ou plutôt ce manque de direction d’acteurs. Ils se trouvent abandonnés à leur propre destin.  Esseulés sur cette grande scène nue sans aucun accessoire de décor, ils se déplacent de gauche à droite d’une manière répétitive sans aucune intention et émotion. Une Cour d’Espagne qui s’ennuie. Que dire de la jeunesse physique de Philippe II ? Avec un peu plus de noblesse dans les tissus de son costume, une direction d’acteur dans son jeu et un peu de blanc dans ses cheveux, Philippe II aurait pu être le père de Don Carlo…

Malgré les quelques réserves sur la mise en scène proprement dite, rien que pour la palette de chanteurs, les chœurs, les musiciens de l’orchestre et les images-vidéos, il faut courir voir ce Don Carlo bordelais.

Jean-Claude Meymerit

JCM-Bordeaux @ 11:08
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C’est pas gagné !

Posté le Samedi 12 septembre 2015

« Mangez 5 fruits et légumes par jour » Ce slogan répétitif et envahissant sous forme de matraquage intellectuel, commence à me traumatiser. Lorsque je passe un jour sans avoir accompli cet ordre insidieux, ça y est je suis malade. Le mal à la tête m’envahit et les grouillements en sol majeur de mon ventre se font entendre publiquement.

Pourtant je l’avoue, tous les jours je m’applique. Face à ma grappe de raisin, déjà je bloque, combien faut-il que je mange de grains ? Un seul, la grappe entière ou 5 grains. Lorsque je me fais de frites, combien de pommes de terre ? Lorsque je mange une pastèque, dois-je la manger entière ? Ne parlons pas des haricots verts et surtout des petits pois, le décompte est insurmontable. La liste est longue…

Tout ceci pour dire que ce slogan publicitaire et de marketing font que les marchés font leur beurre. Tant mieux pour les agriculteurs. Pour moi, c’est le but de ma semaine. Tous les samedi matin direction le plus grand marché bordelais. Aller faire l’achat de mes fruits et légumes pour la semaine en tenant compte des 5 par jour devient ma préoccupation première existentielle.  La semaine, je mange, je calcule, je pèse et le samedi j’achète. J’ai l’impression que ma vie est réglée à ce chiffre 5.

Ce qui me rassure c’est que je ne suis pas le seul. Alors que ne n’achète, et ceci depuis des lustres, que des fruits et légumes locaux ramassés mûrs qui correspondent à des productions de saison et évitent ainsi les longs, polluants et couteux prix de transport, mes congénères et bobos en prime, sont de plus en attirés soit par des produits exotiques de l’autre bout de la planète, soit, par les produits de quelques maraîchers du coin qui nous offrent des légumes « de leurs jardins » (comme l’explique ce père à son gamin, après avoir déposé son costume de dirigeant  pour se déguiser en campagnard du dimanche, et qui s ’aventure dans des explications alambiquées agricoles sur la culture des tomates du marchand, les traces bleues sur les fruits, etc.). Le marchand d’un âge très avancé comme les rides et les déformations de ses tomates, signale au père que ce n’est pas un jardin mais il a omis de nous parler de la présence de bouillie bordelaise sur la surface de ses fruits.

Devant ce petit étal artisanal, une dame s’arrête achète 1kg de tomates et une barquette d’oignons et demande à notre pépé « avez vous des citrons et des oranges ? ». J’ai failli intervenir et être déplaisant. Entendre de telle stupidité m’effraie. Pauvre papy, ! Il est resté sans voix. Cette question reflète bien la non connaissance encore à ce jour de la culture des fruits et légumes, des lieux de productions, les espèces, les variétés, etc…et on nous demande de manger 5 fruits et légumes par jour bêtement, sans nous expliquer les bases de leur production.

Pauvre consommateur, il gobe. Je me souviens d’avoir lu à l’étal d’un grand magasin d’alimentation en plein centre de Bordeaux, l’énormité suivante « pommes du Canada » « provenance France » Le pire est que le responsable des fruits et légumes de ce magasin n’a pas compris ma remarque. No comment !

C’est pas gagné !

JCM-Bordeaux @ 16:17
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A Bordeaux : Tran5fert, quand tu nous tiens !

Posté le Vendredi 28 août 2015

- « As-tu vu l’expo « Tran5fert » dans l’ancien bâtiment de la Police de Bordeaux ?

- « Non »

- « Il faut y aller, dépêche toi, c’est remarquable »

- « Ok, j’y vais ! »

En effet, ce fut un choc ! Un choc par le lieu lui-même, vestige bordelais très connu, puisqu’il s’agit de l’ancien Hôtel de Police ou Commissariat ou plutôt Castéja, nom parlant le plus à la plupart des bordelais. Moi même, j’y ai passé quelques heures d’attente, et autres moments pas des plus agréables. C’était hier !

Avec cette exposition, intitulé Tran5fert, tous les souvenirs de cet endroit un peu ternes dans ma mémoire, s’estompent pour subitement s’éclairer grâce à un collectif d’artistes travaillant autour des cultures urbaines qui a su d’une manière intelligente et avec un talent fou, exploiter ce magique lieu architectural.

Dès le franchissement de ces fameuses grilles, c’est gagné. Tout est fait pour nous accueillir, en passant d’un décor pictural à des hôtesses d’accueil d’une gentillesse et d’une patience inouïes. Elles nous expliquent le concept, nous guident pour mieux apprécier cette exposition etc. Déjà on se sent invité, c’est rare ! Lorsque j’ai voulu payer un quelque chose pour l’entrée, elles m’expliquent que c’est gratuit. C’est encore plus rare !

Puis nous voguons en nous laissant entraîner dans les méandres des couloirs, des vastes salles, des exigus bureaux et de la majestueuse cour intérieure.Chaque recoin est exploité, chaque dessin mural épouse l’espace. Le sol, les murs et le plafond sont habités par le talent de ces artistes pour la plupart bordelais. Beaucoup de sujets sont abordés, la ville et la nature, l’homme et l‘animal, l’enfance, la pollution…Leurs interrogations se traduisent par des peintures, des sculptures, du mobilier, de la vidéo, des installations etc. ça foisonne d’inventions scéniques et de mises en scène d’idées.Une autre particularité est la disponibilité de toutes les « gardiens » (on pourrait dire de la paix) de cette expo. Ils répondent à nos questions, y apportent des compléments. C’est passionnant !

Après avoir admiré les très nombreuses oeuvres exposées dans deux grandes salles, nous entrons ensuite dans un circuit tout autour de la cour en passant par une quinzaine d’ex-bureaux, occupés chacun par un artiste. On est immédiatement immergé dans leur propre univers. Chaque pièce leur appartient. Les artistes osent, ils se dénudent, nous sommes en pleine création artistique, c’est émouvant et beau. Certains ont utilisés quelques documents ou mobilier abandonnés par les occupants précédents. Des procès-verbaux, des constats, des carnets de rendez-vous, la fameuse lampe (ou sa copie) d’interrogation…Tout est mis en exergue artistique dans la simplicité et l’efficacité.

On pourrait parler pendant des heures de cette exposition tellement la richesse est maitresse de ces lieux et de ces œuvres. Cependant, que de questions nous nous posons, nous simples visiteurs et amoureux de l’Art contemporain.

Alors que cet exemple d’exposition dans un lieu « adapté » dans une ville telle que Bordeaux, trouve sa place et répond à une très forte majorité de bordelais et de touristes, rien n’est fait pour retenir ces engouements. On se souvient de l’occupation artistique de la caserne Niel à son tout début de réhabilitation, qui aurait pu devenir un haut lieu artistique de la Ville mais transformé en une autre vocation. Ce bâtiment de Castéja est déjà affecté à tout autre chose qu’à l’Art. Autant d’occasions que la Ville rate en matière d’espace d’Art contemporain de haut niveau et de portée artistique internationale. Il est vrai que Bordeaux n’est pas Berlin !

Artistes de Tran5fert, dépêchez-vous de repérer un autre lieu éphémère sur Bordeaux afin que nous puissions à nouveau apprécier des Tran6fert, Tran7fert etc.

Jean-Claude Meymerit

JCM-Bordeaux @ 10:13
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Norma à l’Opéra de Bordeaux : une leçon de chant avec les beaux yeux d’Elza !

Posté le Mercredi 27 mai 2015

Magnifique ! Envoutante ! La déesse de cette production de Norma de Vincenzo Bellini au Grand Théâtre de Bordeaux est Elza van den Heever. Dès son entrée, la salle reste figée et accrochée à ses premières notes et à la beauté de son timbre au velouté reconnaissable parmi tous. On sait immédiatement qu’elle sera une grande Norma. Malgré ce rôle déjà écrasant par l’écriture musicale et l’engagement scénique, sa montée au bûcher semble prématurée et on a envie de lui crier : « non, arrête ! » afin de continuer à savourer l’art de cette grande chanteuse. Son Anna Bolena de l’an dernier était une merveille, avec Norma, on est dans le sublime. A quand d’autres grands rôles belcantistes ? N’oublions pas non plus ses Verdi qui promettent de grands soirs. Je regrette de ne pas avoir pu aller l’entendre à Frankfort pour son Desdemone mais j’espère vivement que le Don Carlo affiché à l’Opéra de Bordeaux en ce début de saison, est pour elle. Chantant ce rôle à Strasbourg en juin prochain, il serait très étonnant qu’elle ne le chante pas à Bordeaux. A suivre !

Cette production aurait été un sans faute, si la mise en scène avait été à la hauteur des voix. Le décor nous laisse de marbre et pas forcément de grande beauté. On pourrait même dire le contraire. Il est laid. Courage aux artistes de monter et de contourner cet immense tronc central. La mise en scène proprement dite nous le fait par moment oublier avec de très fortes trouvailles et une lecture très intéressante de la physiologie des personnages.

Oubliez ce décor, fermez les yeux et écoutez !

Jean-Claude Meymerit

JCM-Bordeaux @ 10:08
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Un sandwich grandeur humaine !

Posté le Samedi 18 avril 2015

Il faut le faire ! La jambe leste, une dame de la cinquantaine, descend du quai opposé à la rame du tram et se précipite sur les portes, appuie sur les tous les boutons, une porte puis l’autre sans se rendre compte qu’elle était du mauvais côté de la rame. Elle essayait d’ouvrir toutes les portes. Nous, sur le quai d’en face, piaillant comme des volailles en détresse, lui indiquions haut et fort de sortir de la voie. La rame en sens inverse devant arriver d’un instant à l’autre.

Un moment de grand frisson collectif ! Même si c’était l’heure du repas, nous n’étions pas prêts pour assister à une telle sandwicherie.

JCM-Bordeaux @ 17:53
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A l’Opéra de Bordeaux : un troisième Tristan et Isolde pour le podium !

Posté le Lundi 30 mars 2015

Trois productions de Tristan et Isolde de Richard Wagner en deux mois. Après Toulouse et Strasbourg, aujourd’hui c’est au tour de Bordeaux d’afficher cette oeuvre, dans une mise en scène des plus abouties. Elle est signée Giuseppe Frigeni. Ces représentations ont lieu à l’Auditorium de Bordeaux dans un espace scénique spécialement aménagée pour l’occasion du sol au plafond.

Avant de parler de cette passionnante prestation bordelaise, je refuse de dire qu’elle est celle des trois productions françaises je préfère car dans aucune de ces trois j’ai été vraiment transporté à 100%. La principalement raison vient d’un élément commun aux trois : l’absence d’une Isolde de notre temps. J’ai entendu et vu trois Isolde au chant et au jeu assez « vieillots ». N’existe t-il plus d’Isolde à l’image d’une Waltraud Meir, d’une Nina Stemme, d’Evelyn Herlitzuis, d’une Janice Baird…sans parler de celles que nous n’oublierons jamais, Hildegard Behrens, Gwyneth Jones…toutes engagées vocalement, aux timbres jeunes, gouteux, puissants, reconnaissables ? Sans oublier pour toutes ces Isolde précitées, un très profond engagement scénique.

Celle de Bordeaux, Alwyn Mellor, à la voix métallique, aux aigus criés, me faisant sursauter chaque fois, m’a empêchée d’apprécier la magie de ce magnifique rôle. Son Tristan, en la personne de Erin Caves, possède le physique et surtout la tessiture, telle que nous nous l’imaginons pour un Tristan. Hélas sa voix est trop faible. Il se retrouve de ce fait, toujours un peu en retrait. Par contre, son 3ème acte est excellent. Il fait face à toutes les embûches de ce terrible acte. Janina Baechle est notre Brangäne, rôle qu’elle chante sur de nombreuses scènes internationales, est sans reproche mais assez conventionnelle. En la personne de Brett Polegato nous avons un très beau Kurwenal. Sa voix possède un relief et de très beaux accents souhaités. Son jeu discret est précis. Dans le roi Marke, Nicolas Gourjal abordait pour la première fois ce rôle tant rêvé de lui. Grace à la volonté du metteur en scène, il a gardé sa jeunesse physique malgré l’âge voulu du rôle. Sans avoir la voix caverneuse que nous attendons et entendons souvent dans ce rôle là, la sienne est puissante, bien projetée, tout en étant charnelle, puissante et colorée reconnaissable parmi toutes. Les seconds rôles tenus par Guillaume Antoine (Melot), Jean-Marc Bonicelet (le pilote) et Simon Bode (le berger). Une mention spéciale pour celui-ci car il assure pendant tout le 3eme acte un complément de rôle muet, du plus grand effet. Il est bien évident que nous devons cette trouvaille à Giuseppe Frigeni qui n’arrête pas de nous faire réfléchir tout au long de l’ouvrage par des éléments minutieux de mise en scène. La liste en est longue et toujours passionnante. Jamais je n’ai vu un Tristan avec autant de niveaux de lectures de l’oeuvre dans la même soirée. Le tout dans un bain de lumières aux changements quasiment permanents, appuyant certains mots ou situation. Chaque scène ou leitmotiv a sa couleur. Ancien assistant de Robert Wilson, il nous offre des déplacements et des gestes dignes de ce maître. Le décor est parfaitement adapté au lieu puisqu’il habite les contours des gradins. L’effet scénique est par moment féérique. Esthétique ou esthétisme ?

Il a souhaité présenter l’oeuvre comme une immense boucle, basée sur les visions d’un mourant au portes immédiates de la mort. En effet dès l’ouverture du premier acte nous voyons Tristan mort sur son lit. A l’arrivée d’Isolde et de Brangäne, il se « réapproprie » la vie, d’ou cette distance permanente voulue par le metteur en scène, avec ses partenaires. Au troisième acte le jeune berger se transforme en espèce de chaman accompagnant Tristan dans le rêve de sa mort, jusqu’à avoir un sursaut spasmodique lorsque Isolde achève son air final. Nous pourrions citer des dizaines d’exemples de détails de cette subtile et intelligente mise en scène et direction d’acteurs. Ayant assisté aux deux premières représentations, il semble que certaines gestuelles ont disparu dans les déplacements de certains, remplacées chez d’autres par des gestes conventionnels de style concours de conservatoire. Dommage !

Je garde bien sûr pour la fin celui qui a obtenu, et à très juste titre, la plus grande ovation. Il s’agit de Paul Daniel à la tête de l’orchestre national de Bordeaux Aquitaine. Quel équilibre entre la fosse, la salle et les chanteurs ! De la haute voltige. A aucun moment la musique a couvert une voix. Ce qui prouve que Wagner n’a pas besoin de se jouer avec excès sonores. Je ne sais pas si c’est le fait que l’orchestre soit placé presque intégralement sous la scène, mais dès que l’on ferme les yeux, les souvenirs acoustiques de la Colline verte remontent. Paul Daniel sait donner à son orchestre des sonorités de miel splendides et des nuances de délicatesse presque inaudibles, mais tellement adaptées à l’oeuvre et à la salle. Du travail de dentelier. Vivement d’autres Wagner !

Jean-Claude Meymerit

PS : au fait, quelle est la production qui va se trouver en n°1 sur le podium national ?  Aucune.

 

JCM-Bordeaux @ 21:48
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A l’Opéra du Rhin de Strasbourg : un Tristan et Isolde pour le podium ?

Posté le Vendredi 20 mars 2015

Comme promis (voir feuillet précédent sur ce même site), je vous amène à Strasbourg pour la deuxième production française du Tristan et Isolde de Richard Wagner. Dans le pronostic que je m’offre entre Toulouse, Strasbourg et Bordeaux, quelle est la production qui va, à mes yeux, être sur le haut du podium. Pour l’instant pas de Strasbourg, dommage ! Les ingrédients étaient pourtant très alléchants.

Je ne sais pas si c’est le comportement du public (voir plus bas) ou la faiblesse de l’ensemble qui m’ont laissé un peu perplexe ou les deux peut être, mais je suis resté toute la soirée assez frustré.

Pourtant, que cette production est belle ! Une rare intelligence de mise en scène. Les décors sont majestueux et d’une efficacité redoutable. Avec une telle mise en scène la clarté littéraire du texte est magnifiée. L’histoire prend un tout autre sens. On arrive presque à tout comprendre sans surtitreur. Dès le premier acte nous sommes saisis par le réalisme du décor. Il représente le pont d’un vieux navire. Les rambardes du bateau se situent en avant scène, ce qui permet aux protagonistes de s’appuyer aux garde-fous et de chanter au bord de la fosse d’orchestre symbolisant l’océan. Superbe vision rarement utilisée. Le deuxième acte est également très efficace. Nous sommes dans la chambre à coucher d’un pavillon, ouverte sur l’océan à l’image d’une chambre d’hôtel de grand palace. Avec des jeux de murs mobiles et de lumières, l’effet est immédiat. Pour le troisième acte, le réalisme est à son summum. La piaule de Tristan en bordure de mer. Cette misérable masure de bois blanchie par l’air salin est étonnante de beauté réaliste. J’irai jusqu’à dire, il n’y a qu’un pas, que nous sentions tout au long de cet acte l’air vivifiant de la mer. Et si c’était vrai !…Le magicien de cet univers année 40, est le metteur en scène Antony McDonald.

Parlons des protagonistes. Aucun ne m’a ému ou surpris. Dans le rôle de Tristan, Ian Storey m’a semblé assez distant avec un jeu assez restreint. Côté voix, après un premier acte assez terne, l’expression vocale s’améliore significativement au fil des deuxième et troisième actes mais ne séduit toujours pas. Isole est Melanie Diener. Elle est arrivé au bout de l’œuvre sans difficulté. Même si certains accents dans les graves et les aigus sont majestueux je n’ai pas adhéré à toutes ses attaques « voilées ». Au bout d’un moment je n’entends plus que cela et elles me dérangent. Son jeu, comme pour Tristan, est également assez distant. Le metteur en scène y est certainement pour beaucoup. Attila Jun dans le Roi Marke me fait surtout penser à un Hunding ou à un Hagen, plus qu’à un roi aimant et résigné. Malgré une absence de prestance royale, sa voix est somptueuse et nous séduit toujours.J’attendais avec beaucoup d’impatience Michelle Breedt dans Brangäne mais je fus un peu déçu. Son personnage et sa voix manquent un peu de classe surtout dans les belles sonorités graves tant souhaitées pour ce rôle. Dans les duos avec Isolde, les différences de voix n’existent pratiquement pas. Kurwenal en la personne de Raimund Nolte reste pour moi une énigme. Cette douceur de jeu et de voix est-elle voulue par le metteur en scène ou est-elle liée à la personnalité du chanteur ? Cette ambiguïté d’affection scénique et vocale pour son ami Tristan est plausible et apporte de l’existence au personnage. Seulement la voix de ce baryton n’est toutefois pas assez consistante pour ce rôle. Les deux autres personnages sont sans reproches et se fondent intelligemment dans l’œuvre : Gijs Van der Linden (Melot) et Sunggoo Lee (marin et berger).

Reste pour conclure la direction d’Axel Kober à la tête de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg. Déception ? Oui, je n’ai pas retrouvé ces longs accords langoureux et veloutés, ces engagements sonores, ces violences, ces douceurs, ces nuances…je n’ai entendu que du travail très bien soigné et appliqué. Est-ce suffisant pour Wagner ?

Je profite de ces quelques lignes pour remercier vivement ce Chef d’avoir osé interrompre l’ouverture de l’œuvre juste après les célèbres premières mesures et d’avoir recommencé, suite à une sonnerie retentissante de portable. Il est inadmissible que cette personne dans la salle (de surcroît une journaliste d’après mes renseignements) n’ait pas éteint son portable malgré les consignes d’usage. La honte ! Va t’elle écrire dans son article, cet incident ? Il faut dire aussi que les annonces de consignes diffusées au micro sont faites lorsque le public n’est pas encore complètement installé au lieu d’attendre l’extinction partielle ou totale des lumières de la salle comme dans la plupart des salles d’opéras.

La réussite d’un spectacle tient aussi beaucoup sur la composition du public présent. Ce soir, en assistant à cette production, j’évalue une fois de plus les incohérences de la politique nationale imposée aux Opéras nationaux. Pourquoi accepter des classes entières de jeunes à assister à de tels ouvrages durant plus de quatre heures ? Sont-ils préparés à supporter cette attention visuel et musicale relativement lente et longue ? De plus, leurs présences assez remuantes perturbent le reste du public. Le comble survenu ce soir de première, fut la désertion des 3/4 de ces jeunes dès le premier entracte. Puis lors du second entracte désertion pratiquement totale. Quel gâchis ! Tristan et Isolde est-il l’opéra qu’il faille faire découvrir aux jeunes en priorité ? Ce n’est pas avec cette politique que l’opéra retrouvera ses lettres de noblesse auprès d’un nouveau public et les jeunes en particulier. Au contraire. Mesdames et Messieurs les décideurs politiques culturels vous avez tout faux, il n’y a pas d’impact de réussite et ça coûte excessivement cher. D’autres solutions existent, mais encore faut-il les écouter.

Jean-Claude Meymerit

PS : rendez-vous dans quelques jours pour le Tristan et Isolde de Bordeaux

 

 

JCM-Bordeaux @ 10:53
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Pierre Niney, ange ou démon ?

Posté le Samedi 14 mars 2015

Ce comédien m’a toujours fasciné. Quand je dis toujours, ce n’est tout de même pas très vieux car ce comédien super doué, n’a que 26 ans. Son ascension est vertigineuse. Du théâtre au cinéma le chemin fut rapide. Ses débuts sur de nombreuses planches l’ont rapidement amené sur le plateau théâtral le plus célèbre, celui de la Comédie Française. C’est là où j’ai fait sa connaissance scénique. Aisance scénique, voix super bien projetée à la diction parfaite sans oublier un physique à l’alchimie mêlant fragilité, classe et sauvagerie.

Au cinéma, parmi déjà son long palmarès, comment ne pas oublier son « Yves Saint-Laurent  » et ce soir en avant première à l’UGC de Bordeaux, son « Un Homme idéal » de Yann Gozian. Qui est cet « homme idéal » : un héros ou Pierre Niney ? C’est devant une salle remplie comme un oeuf, avec 90% de jeunes filles bien élevées et assez clonées, qu’il présente ce film et se présente au public. Toutes ces fans avaient envahi les tous premiers rangs alors qu’en temps normal elles  auraient hurler de colère d’y être pour une séance de cinéma.

C’est une fois le film projeté que Pierre Niney  traversa tout seul la salle sous les ovations bien méritées de ses fans en délire. Que je comprends cet enthousiasme ! Ce film tout en émotion, drôlerie et rebondissement, nous charme. Notre comédien pratiquement à l’écran non stop pendant 1h30, nous chavire. Rien que son visage nous suffirait. Beauté animale et fragile à la fois. Même avec ses crimes horribles commis dans le film, on a envie de le protéger. Quel regard ! Il nous parle avec les yeux, tout en nous racontant une autre histoire, rien qu’avec son regard. Comme il le précise lui même, seul le cinéma permet de tels plans et c’est ce qui l’attire. Il dit toutefois qu’il préfère le théâtre (*). Au cinéma, le comédien ne maîtrise pas le produit fini, ni son déroulé au cours du tournage. Au théâtre le comédien peut tout gérer de a à z, il possède en permanence la globalité de l’œuvre. Il peut aller jusqu’à en même modifier certains contours au fil des représentations. Tout ceci Pierre Niney l’explique magnifiquement bien ce soir, seul sur scène, avec humour, gentillesse et énergie. Il sait enflammer son auditoire. Quel magnifique rôle il pourrait jouer pour la valorisation du théâtre. Grâce à une telle aura, que de pièces de théâtre pourraient sortir de leurs ornières et entraîner un large public de jeunes. Le succès d’un spectacle tient souvent sur un nom de talent. Pierre Niney pourrait être celui là. De plus il sait en parler et sait très bien parler. Son discours sur le théâtre est clair et encourageant pour l’avenir. Un jeune qui parle aux jeunes n’est-ce pas là aussi la clé d’une efficace démarche pédagogique culturelle ? Je ne pense pas que ce soit en créant toujours des pièces de collectifs de comédiens inconnus et fortement subventionnés que l’on répond au plus grand nombre en pensant les attirer au théâtre. C’est malheureusement même souvent l’inverse. On a besoin de locomotives artistiques de haut niveau. Notre jeune comédien français en est, aujourd’hui, une preuve vivante.

Jean-Claude Meymerit

(*) ce même 13 mars, jour de ses 26 ans, il déclare officiellement sa démission de la Comédie Française pour se consacrer au cinéma. Bon vent pour le cinéma et dommage pour le théâtre (pour le moment) !

 

 

JCM-Bordeaux @ 20:28
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L’Opérette en voie de disparition : réalité ou mensonge ?

Posté le Mardi 10 mars 2015

« Quand on veut noyer son chien on dit qu’il a la rage ». C’est exactement ce qui se dit pour l’Opérette (*) : « elle est malade, moribonde, c’est une forme de spectacle d’un autre temps, elle n’attire que les vieux…« . C’est faux ! L’Opérette pourrait rester à la mode si tout le monde en décidait autrement et y mettait les moyens (les directeurs de théâtre, les artistes, les médias…). Ce n’est pas en réservant l’Opérette à une certaine catégorie de personnes que l’on pratique l’ouverture artistique à tous. Cette forme de ghetto organisé est révoltant.

Un directeur de théâtre lyrique (à quelques exceptions près), préfère monter mille fois une Flûte enchantée ou une Traviata qu’une Fille de madame Angot ou une Véronique. Pourquoi ces derniers ouvrages seraient-ils moins « public » que les autres. Il n’y a pas un public pour chacune de ces catégories (Opéra, Opérette). Il s’agit d’un même public. Dans l’absolu bien entendu. Dans la réalité, le système et les dénigrements sont tels que l’on met la catégorie Opérette dans le tiroir du ringardisme et tout est mis en oeuvre pour garder ce genre de spectacle dans sa poussière. Jérôme Deschamps à l’Opéra comique de Paris a bien compris la situation et grâce à lui l’Opérette retrouve petit à petit ses lettres de noblesses.

Le déclic de mon manifeste en faveur de l’Opérette m’est venu d’une manière plutôt bouillonnante ce dimanche après-midi dernier en assistant à la représentation d’un des plus célèbres opéras-comiques « la Fille de madame Angot » de Charles Lecocq. Cette production avait lieu dans une salle populaire de la banlieue Bordelaise « le Pin Galant ». Comme chacun le sait ce lieu ne créait pas de spectacles mais propose des spectacles tout faits, clé en main. En proposant ce spectacle un dimanche après-midi, la direction est sûre de faire le plein avec un public vieillissant ou les cannes ne passent pas inaperçues. Lorsqu’en haut des quelques marches du théâtre je regarde monter péniblement tous ces gens, une personne à côté de moi me balance « on se croirait au festival de cannes« . Même si ce jeu de mots est facile et ultra connu, je n’ai pu m’empêcher d’éclater de rire. Facile certes mais que ça fait du bien !…Aussi, si dans quelques années je vois rire quelqu’un, gorge déployée en haut de ces mêmes marches, me voyant arriver avec une cane, je penserai à ce dimanche là et j’en rirai moi même.

Revenons à nos moutons (ces derniers me font penser à la Mascotte d’Edmond Audran). Il y a quelques années elle fut montée à Paris en grande pompe avec un tapage médiatique exagéré. Cette production était lourdement montée, ennuyeuse, sans âme. Erreur de parcours. Une Opérette doit être montée dans une légèreté de rythme, de mise en scène, de jeu, de décors et costumes…et de diction. L’Opérette doit rester une fresque de plaisir pour l’oreille et la vue. C’est ça la clé de l’Opérette. Contrairement aux idées reçues, tout le monde ne peut pas chanter l’Opérette. Il faut des voix, des personnalités, des chanteurs comédiens.

Ce que j’ai vu et entendu ce dimanche, ne réunissait malheureusement pas tous ces ingrédients. « Mais faute de grives on mange des merles » ! J’avais rarement vu et entendu un souffleur aussi présent. Manque de répétitions ? Avec l’exemple de cet après-midi là, on se rend compte immédiatement que la médiocrité (ou les manques de moyens) dans un spectacle d’Opérette ne pardonnent pas. Où sont les Opérettes montées au Grand Théâtre de Bordeaux du temps de Gérard Boireau ? Distribution de haut vol, chorégraphie pétillante, choeur chantant et jouant, décors et costumes étincelants et bien adaptés à chaque artiste et surtout des mises en scène bien ficelées et finies. En clair des spectacles modernes attirant un très nombreux public des plus variés.

Aujourd’hui : public très vieillissant ???, rareté des productions, et productions non abouties. Demain : public varié, nombreux spectacles d’Opérettes, productions soignées. Pourquoi pas. Rêvons !

(*) entendons par ce mot générique : opéra comique, opéra bouffe, opérette viennoise, opérette féerie etc…

Jean-Claude Meymerit

 

 

JCM-Bordeaux @ 12:06
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