Posté le Lundi 11 janvier 2010
A peine croyable !
J’étais il y a quelque temps à Londres (le 9 octobre dernier) pour assister à une représentation de Tristan et Isolde au Covent Garden.
Le jour du spectacle, avant la représentation de 17h, je décide de faire un tour dans la ville et descendre directement de la gare St Pancras au théâtre de Shakespeare en bas de la ville de l’autre côté de la Tamise.
Sur le chemin, je passe par la petite place devant le parvis de la cathédrale St Paul. Là surpris, je vois, parquée entre des barrières de protection une cohorte de journalistes, caméras, appareils photos, micros ordinateurs…Que faisaient-ils un matin vers les 10h30 devant ce monument.
Cela était étrange car une circulation dense en véhicules continuait de passer devant le parvis. Mais plus j’observais et plus je remarquais se diriger vers cette cathédrale de très nombreux militaires dans leurs tenues d’apparats dans des couleurs et des formes les plus diverses et les plus surprenantes. Tous ces militaires étaient, pour la plupart, accompagnés de leurs compagnes dans des tenues les plus élégantes mais surtout les plus voyantes. Le bon goût n’était pas forcément le critère principal. Tout ce beau monde montait les marches et s’engouffrait par la porte de gauche en haut des marches. Sur la droite de l’immense escalier, une haie de soldats de la garde royale canalisait les gens vers la porte de droite de l’édifice. J’en déduis que c’était le côté des personnalités. En effet, beaucoup d’hommes en costumes de ville accompagnés également de leurs compagnes. Pour regarder ce remue ménage, je m’étais placé derrière une barrière et vu le temps et le vent glacial, je gardais les mains dans les poches de mon blouson et avais mis mes lunettes de soleil pour protéger mes yeux. Nous n’étions qu’une dizaine de personnes comme moi à regarder et à attendre. Quoi et qui ? Je ne savais toujours pas.
Tout d’un coup la route est interdite à la circulation. La presse commence à s’agiter et à s’installer. Les carillons se mettent à sonner. Ce brusque bouleversement d’ambiance attire un peu plus de badauds derrière les barricades. Les militaires par centaines accompagnés ou non montent par la gauche et s’engouffrent dans la cathédrale. Côté droit les voitures officielles se succèdent et en descendent des personnalités…Je ne savais toujours pas lesquelles.
Au bout d’un instant, au commandement d’un signal, la garde royale se déplace vers le centre de l’escalier. Aussitôt, je réalise que devait arriver quelqu’un de très important, mais qui ?
C’est alors que je vis arriver au pas (ou à la roue…) de velours les deux voitures Bentley, couleur bordeaux, de la royauté avec à l’intérieur une grande partie de la famille royale en costumes de cérémonies. Impressionnant !
Tout ce petit monde monta avec tout le protocole adapté les nombreuses marches pour atteindre le grand portail d’entrée largement ouvert de la cathédrale. A 11h, les carillons stoppèrent. Un silence abyssal régna sur cette place, les commerçants sur les pas de portes, les gens sur les balcons et aux fenêtres tout autour de la place : la Reine venait d’arriver. En effet, sur le siège arrière de sa magnifique voiture aux armoiries de la royauté était assise la Reine. Elle passa à quelques mètres de moi. J’étais sous le choc : la Reine à deux pas de moi sans que je cherche à la voir. La voiture royale s’avança à pas de loups toujours dans ce lourd silence ambiant et s’arrêta devant la haie d’honneur. La Reine descendit sous les applaudissements des badauds, monta les nombreuses marches en saluant la plupart des gardes. Une fois entrée dans l’édifice les immenses portes se referment, les gardes se dispersèrent et tout fut fini.
Le public quitta la place sauf moi, car je ne savais toujours pas la raison de cette cérémonie de ce matin-là.
Je m’adressai à un policeman qui me dit que c’est la commémoration des tués en Irak. Vague explication…Je décidai donc de continuer mon chemin vers le théâtre de Shakespeare. A quelques mètres de là je vis un bureau d’office du tourisme. Chic ! Je vais alors avoir une explication sur cette manifestation. En effet, l’hôtesse me signala qu’il s’agissait d’une cérémonie du souvenir en l’honneur des militaires du Royaume-Uni qui ont pris part à la guerre d’Irak, où 179 d’entre eux ont été tués. Elle me signala que sont présents Tony Blair et Gordon Brown, des ministres, des dirigeants Irakiens et la cour royale au grand complet. Elle me signala que la cérémonie devait se terminer à midi. Il fallait que je choisisse, le théâtre de Shakespeare ou la sortie de la Reine. Je choisis : la Reine.
Aussi, pour être bien placé je reviens vers la place et m’installe bien en face de la sortie contre une maison dans l’encoignure d’une porte. Toujours avec ce vent glacial les mains dans les poches de mon blouson noir, en jean et mes lunettes noires.
Je ne suis pas resté très longtemps à attendre car un mec black en civil d’une trentaine d’années, me montra sa carte (sécurité il me semble) et me demanda ce que je faisais ici. Un de ses collègues se joignit à nous. Un petit maigrelet, d’une soixantaine d’années et super hargneux. Celui-ci me parla en anglais à toute vitesse. Je ne compris absolument rien. Heureusement, le black parlait un peu français. Il m’expliqua qu’ils me surveillaient depuis un petit moment et que j’avais l’air soupçonneux…
Puis, les questions fusèrent : qu’est ce que je fais à Londres (pratique à répondre). Je leur dis que je suis venu de Bordeaux France spécialement pour assister à un opéra. Quel opéra, etc..et me demandèrent de leur fournir le billet. Je leur signale qu’il était à l’hôtel. Quel hôtel ? Dans l’émotion de cet interrogatoire dans la rue, sans bien se comprendre et s’exprimer, je ne me souvenais pas de son nom. J’ai pu leur montrer sur mon plan de la ville, au moins la rue.
Je n’osais pas trop m’énerver et j’ai répondu avec beaucoup de calme et patience. Par ailleurs, pendant ce temps le vieux avait récupéré ma carte d’identité et téléphonait pour vérifier mon identité. Je n’avais pas intérêt à manifester le moindre mot et geste, car je risquais de me retrouver au poste et adieu la Reine mais surtout l’opéra (après des mois d’attente pour avoir une place).
Quand le vieux est revenu me donner ma carte, je demandai au black pourquoi ce contrôle sur moi, qu’est ce que j’avais fait de particulier. Il me répondit que j’ai l’air d’un animal. En lui faisant remarquer que le mot n’était pas très choisi, il s’excusa immédiatement.
Le vieux, lui, ne voulait rien entendre et continuait à me questionner en anglais avec une hargne terrible (des images passèrent dans ma tête d’une certaine époque de terreur pas si vieille dans nos têtes où ce genre d’interrogatoire accusateur était quotidien).
Ils me lâchèrent enfin. Je suis resté un peu groggy. L’heure de la fin de la cérémonie arrivant, je repris mon poste d’observation, je sortis mon appareil photos et je mitraillai la Reine (attention c’est une image !) à toute vitesse tellement peur que l’on vienne m’arrêter à nouveau. Au moins j’aurai des preuves de cette matinée. Lorsque la Reine est sortie par la grande porte, il n’y avait plus de gardes. Elle, toute seule, descendait les marches comme abandonnée. Elle monta dans sa voiture et repassa devant les barrières derrière lesquelles j’étais. Elle nous salua avec son geste éternel et la voiture disparut dans les rues de la ville. Les autres voitures de la royauté suivirent, puis toute la cathédrale se vida par les trois portes comme une immense cascade et flots de couleurs sur les marches comme les eaux d’un barrage. C’était très beau ! Cette aventure m’avait assez perturbé. Quand je pense que des personnes font des kilomètres pour voir la Reine d’Angleterre, ou attendent des heures devant le Palais de Buckingham pour l’apercevoir ! Moi, je n’ai rien demandé et la Reine n’est pas inscrite dans ma collection de peoples favoris. Quand je pense que j’ai failli passer un mauvais moment si j’avais réagi à ce contrôle. Ceci dit, de là à imaginer que j’avais une tête à assassiner une tête couronnée c’est me faire trop d’honneur. Aussi, j’en remercie vivement les services de sécurité de sa Majesté et Scotland Yard (j’y suis fiché, c’est certain, quelle reconnaissance !).