Connaissez-vous ces concerts de quarante-cinq minutes donnés une fois par mois à 12h30 au Grand Théâtre de Bordeaux ? On y découvre régulièrement des jeunes talents lyriques le plus souvent programmés à la même période à l’Opéra, dans des seconds rôles. Au cours de ces concerts, ils interprètent en soliste, soit des airs d’opéras, soit des mélodies ou autres extraits musicaux classiques.
Certains osent et nous proposent des airs loin de leur tessiture ou de leur personnalité. Les résultats sont surprenants. D’autres se plantent carrément. D’autres plus timides ne prennent aucun risque et l’ennui nous gagne. D’autres enfin, nous offrent une magnifique palette de la couleur et des possibilités de leur voix, c’est magique. La générosité et la spontanéité de tous ces chanteurs méritent que l’on fréquente assidûment ces concerts. Il ne faut surtout pas oublier la présence au piano, de passionnés de voix qui, avec énergie et sans limites, les accompagnent avec grand talent.
Mais alors, avec tous ces positifs ingrédients pourquoi seule une petite frange de la population bordelaise répond à l’appel de ces concerts. Mise à part une faible partie du public en dessous de la barre des soixante ans, la majorité appartient à la tranche honteusement nommée avec un terme dit à la mode et que je réfute violemment : les seniors avancés. C’est vrai que la moyenne d’âge est plus près des caisses de retraites que des consommateurs de kebabs à la sortie du boulot.
Toutefois il est assez incompréhensible de constater que dans les milliers de personnes qui errent autour du Grand Théâtre entre midi et quatorze heures, personne ne trouve le temps de consacrer une heure à la musique classique (à quoi servent les RTT ?). Le prix d’entrée est à mon sens aussi un peu trop élevé.
Par ailleurs, alors que des classes entières de scolaires envahissent certains soirs la salle de spectacle pour assister – un peu contre leur gré – à certains opéras, ne pourraient-ils pas profiter de ces moments privilégiés pour venir écouter des extraits lyriques ?
Ne dit-on pas que l’appétit vient en mangeant !
Jean-Claude Meymerit
Quand une idée (même utopique) vous trotte dans la tête pendant des jours et des jours, autant en parler à quelqu’un. Voilà chose faite. Je vous en parle. Je sors du Grand Théâtre de Bordeaux où je viens d’applaudir le très beau spectacle de ballet, Roméo et Juliette de Sergueï Prokofiev, dans une chorégraphie et mise en scène de Charles Jude. Ce ballet se déroule dans une scénographie, qui, depuis 2009, n’a pas vieilli d’un poil. Elle y inclut des décors mobiles stylisés, des changements à vue, des projections, des numéros de cirque…
Tout en regardant évoluer les magnifiques danseurs, je me mets à rêver. Et si la Direction de l’Opéra avait la géniale idée de réutiliser cet univers scénographique pour présenter l´opéra de Gounod. Cet ouvrage, que j’affectionne tout particulièrement, y trouverait pleinement sa place. En effet, ce décor de pans de bois qui s’animent au fil des tableaux et ces immenses tulles ne sont que sobriété et élégance. Le tableau de la place publique est de toute beauté. Les lumières précises et suggestives y sont aussi pour beaucoup. Tous ces ingrédients ne sont-ils pas l’idéal pour cet opéra ? A t-on besoin de chercher absolument des scénographies outrancières ou laides coûteuses sous prétexte de créations, ou de justifier des subventions publiques ? – à en juger par deux des dernières productions que j’ai vues, celle de Bordeaux en 2000 et surtout l’hideuse toute récente de Tours -. Par contre, seule celle de Nicolas Joël, que j’ai eu la chance de voir plusieurs fois au Capitole de Toulouse et à l’Opéra comique de Paris était à la fois puissante, délicate, belle et intelligente.
Avec ce décor bordelais de ballet nous entrons directement dans l’histoire du drame et l’accent est immédiatement mis sur les protagonistes. N’est-ce pas idéal aussi pour une production lyrique, classique certes, mais efficace et centrée immédiatement sur l’action, la musique et les voix ? A t-on besoin de plus ? Cet opéra comporte de nombreuses scènes de combats, qui doivent être réglées comme pour un ballet. Aussi, ne pourrait-on pas imaginer le concept suivant : avec un metteur en scène de théâtre, des jeunes chanteurs français et des scènes chorégraphiées à l’image de celles du Roméo de Jude, nous pourrions obtenir un très beau spectacle lyrique à moindre coût. En alternance avec le ballet de Prokofiev, nous aurions une vraie stratégie culturelle originale allant dans le sens de l’économie financière du moment.
Aussi, si par chance cette réflexion arrivait sur le bureau des dirigeants artistiques de l’Opéra de Bordeaux, nous pourrions assister dans les prochaines années, un soir le ballet de Prokofiev, le lendemain l’opéra de Gounod, dans le même décor. C’est l’époque des souhaits, rêvons !
Dès que cet immense baryton était affiché au Grand Théâtre de Bordeaux c’était la ruée. Mais pas n’importe quelle ruée. Pas de ces ruées que l’on voit actuellement à force d’entendre rabâcher sur les ondes et les antennes des noms et des spectacles et qui se précipitent sans savoir qu’elle est la carrière de tel ou tel artiste. Avec la venue d’un Blanc (ou d’un Vanzo, d’un Bacquier, d’une Eda Pierre, d’une Guiot…), le public connaissait déjà tout du répertoire des chanteurs programmés, leur voix, leur carrière et ce public venait les écouter chanter. Maintenant on voit de la lumière, un bureau de location noir de monde et la ruée se forme comme si les gens venaient chercher une part de ravitaillement en période de restriction. Le public vient maintenant voir un spectacle et non écouter des voix ou voir des danseurs. Peu importe qui chante, qui dirige, qui danse, le principal c’est : « On m’a dit que c’était joli ! » Avec ça !
Ernest Blanc était cet homme qui dès son apparition sur scène nous glaçait par sa grande prestance due à sa stature tout en nous subjuguant par cette extraordinaire et rare voix. Il faut l’avoir vu et entendu dans son célèbre Rigoletto, dans l’Escamillo de Carmen (en voilà un qui savait être et chanter Escamillo), Amfortas de Parsifal, Ourrias de Mireille, Renato du Bal Masqué, Gérard d’André Chénier, Valentin de Faust, le Hollandais, Wolfram de Tannhauser, le Comte de Luna du Trouvère…Tout en chantant à Bordeaux ces rôles là, il était affiché au Met de New York, à Londres, à Milan, à Salzbourg… et bien sûr à Bayreuth. Rare français à avoir chanté sur la colline verte.
Il vivait en Provence puis en région bordelaise pour y vivre paisiblement et laissait écouler le temps, en famille. Son fils Jacques Blanc, chef des choeurs au Grand Théâtre de Bordeaux, me donnait régulièrement de ses nouvelles. Je n’ai jamais osé lui demander de rencontrer son père. Qu’est-ce que je lui aurais dit ? Que j’étais un de ses profonds et fidels admirateurs. Que je l’avais vu dans de très nombreux rôles. Qu’il me raconte des souvenirs de son séjour à Bayreuth ? Que de banalités ! Le souvenir de ses prestations doit rester le plus fort.
Aussi, j’écoute de temps en temps ses enregistrements (son récital en particulier) et je revois cette époque bénie où les grands étaient grands et aidaient surtout les petits à devenir grands. Merci Ernest Blanc pour ces fabuleux grands moments lyriques. Il a fait définitivement ses adieux à la scène en 87 et nous quitte, ce 22 décembre, à 87 ans. Chiffre fatal !
Ma passion depuis de très nombreuses années pour l’art lyrique me pousse à faire une proposition publique qui me tient, très à coeur.En effet, je constate de plus en plus, aux soirées d’opéra (de l’Opéra de Bordeaux en particulier), la présence de groupe de jeunes (tous les âges) et c’est tant mieux. Cependant, en discutant avec eux au cours de ces soirées, il en ressort qu’il leur manque une vraie approche culturelle d’art lyrique. Ce qui est normal vu leurs jeunes âges. Je ne suis pas sûr que les encadrants scolaires soient, malgré leur investissement et tous leurs efforts, les meilleurs initiateurs pour leur faire apprécier pleinement cet art (tout simplement par manque eux-mêmes de “culture lyrique”). Ces jeunes ne connaissent pas les us et coutumes d’une représentation lyrique. Ils ne savent pas repérer les airs-clés d’un ouvrage, quand et où applaudir… Ils n’ont pas de repère de mise en scène, de tessiture des voix etc…Aussi, suite à ces constats issus de discussions avec eux, je propose le concept suivant : ne pourrait-on pas faire parrainer certains jeunes en leur donnant comme parrains des habitués et des connaisseurs de culture lyrique (habitués connus, abonnés, etc…) ? Cette approche ressemblerait à celle qui autrefois se faisait au sein d’une famille ou d’amis. Les goûts et les connaissances se transmettaient de génération en génération. Vu la cassure faite dans les générations précédentes, ne pourrait-on pas se substituer à cette “cellule familiale” avec des “spectateurs connaisseurs” comme parrains ? Personnellement, je me verrais très bien parrainant et accompagnant quelques jeunes en leur expliquant en amont et le jour même de la représentation certaines subtilités et clés d’appréciation de spectacles lyriques (chanteurs, mise en scène, musique, salle de spectacle, traditions…). De plus, des rencontres préalables pourraient se faire, soit dans un établissement scolaire (hors horaires), soit dans une pièce du Grand Théâtre, soit dans une “famille d’accueil opéra”, soit dans les quartiers de la Ville…Ces soirées préalables pourraient s’organiser autour d’une oeuvre, d’écoute d’enregistrements et comparaison, de présentation d’un ouvrage par un spécialiste etc… A ce jour, je ne suis pas du tout sûr que tous ces jeunes qui viennent en groupe au Grand Théâtre, pour une unique fois, apprécient pleinement les soirées. A-t-on une évaluation des retours et des goûts à l’opéra suscités pas ces soirées ? Même si les actions menées par l’Opéra de Bordeaux à l’encontre de ces jeunes sont très pertinentes et variées, il me semble toutefois que ce volet “culture art lyrique” manque terriblement.
Même si à ce jour, cette proposition n’a pas reçu l’attention particulière que j’escomptais de la part des services de la Direction de l’Opéra de Bordeaux, j’espère vivement sur la réactivité de certains décideurs et amateurs d’opéra pour envisager sa réalisation.
Article également en ligne sur www.paysud.com
Venant d’assister tout récemment à un récital de jeunes chanteurs d’opéra, la première remarque qui me vient : quel gâchis !
Réuni dans une magnifique salle de spectacle municipale, un nombreux public, d’une moyenne d’âge ayant dépassé les bancs universitaires et malgré une température ambiante frôlant les degrés acceptables de conservation, était super content, moi aussi ! En effet, j’ai assisté à un catalogue d’airs interprétés à la queue leu leu sans aucune logique de chronologie, d’époque, de style comme dans une compile de fêtes de fin d’année (et même pas de chant collectif en rappel de salut). On dirait qu’ils ne se sont jamais rencontrés avant cette soirée.
Qu’est ce que j’ai vu et entendu ? Un dizaine de jeunes chanteurs sans flamme et sans sourire venir en avant scène interpréter égoïstement leurs airs d’opéra. L’opéra est un art joyeux. Il faut être heureux de chanter et surtout de le faire partager. Alors, pourquoi ces allures abattues et ces mines catastrophées ? Seule, une jeune mezzo, dans l’air des lettres de Werther, a apporté un sourire d’émotion accolé aux paroles d’amour de son chant. C’est bien peu.
On constate alors, non sans le regretter, l’utilité de ces écoles d’opéras qu’étaient les troupes sédentaires des grandes maisons lyriques françaises. Les jeunes chanteurs avaient alors tous les outils d’apprentissage scénique (opéra et opérette, danse, comédie). Devant cette lamentable carence française en matière d’aide aux jeunes chanteurs français, cette dizaine d’artistes lyriques a décidé de se regrouper en troupe. L’idée est super et originale mais sans ambition, dommage ! Dans l’attente d’un engagement dans un grand rôle d’opéra, ils s’essayent dans des airs mais non dans des rôles. Ce n’est pas suffisant pour devenir un artiste lyrique. Sont-ils eux seuls responsables ?
C’est ainsi qu’on se rend compte qu’il manque en France une éducation à l’art lyrique (chanteurs et public) et ce n’est pas ce genre de spectacle qui y contribue. Il me semble qu’il y a d’autres possibilités de créer des spectacles lyriques avec des petits moyens, sans tomber dans un récital ringard en tenues vestimentaires de pseudo gala. Nous sommes en 2010….