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Archive pour la catégorie « autres critiques »

L’Etoile Oksana Kucheruk s’éteint en pleine lumière !

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Photo – merci au Journal Sud-Ouest – © Sandrine Chapelier

La danseuse Etoile de l’Opéra de Bordeaux Oksana Kucheruk, vient de faire ses adieux au public bordelais, ce jeudi 22 octobre 2020.

L’émotion planait dans la salle, remplaçant le temps d’une soirée, l’angoisse actuelle liée à la pandémie. Même si les conditions sanitaires strictes imposées par l’Opéra de Bordeaux sont encore plus anxiogènes qu’ailleurs, les contraintes ont vite été remplacées par l’aura de notre danseuse Etoile. Dans les trois ballets : “Paz de la Jolla” chorégraphié par Justin Peck sur une musique de Bohuslav Martinü, suivi de “In the night” et “le Concert” chorégraphiés par Jerome Robbins sur une musique de Frédéric Chopin, Oksana Kucheruk nous a offert toute sa palette d’expression, de sensibilité et d’humour. Du très grand art.

Pour tous les amoureux de ballets, cette immense danseuse va nous manquer. En venant l’applaudir depuis 15 ans sur la scène du Grand théâtre, nous savions que la beauté et le talent étaient toujours au rendez-vous. On se souvient de ses prestations dans Coppélia, la Belle au bois dormant, Roméo et Juliette, Don Quichotte, le Lac des cygnes…et bien sûr son incontournable Gisèle. Il faut également se souvenir de toutes ses apparitions dans le répertoire contemporain dans lequel elle a excellé avec panache.

Pour cette soirée d’adieux à la scène, toute la Compagnie du ballet de l’Opéra de Bordeaux avait la larme à l’oeil surtout lorsque sa petite fille et son mari, l’ex danseur étoile Igor Yebra, sont venus l’embrasser devant un public en émoi. Sous la douche de confettis dorés tombés des cintres, Oksana Kucheruk fit quelques pas de danse en pirouette qui nous ont émerveillés. Les ovations de plusieurs dizaines de minutes ont dit au revoir à notre danseuse Etoile. Celle-ci ôte son immense chapeau de scène comme pour nous dire, je reviens à la ville mais je ne vous oublie pas. Le rideau se ferme. Quelle classe !

Dommage que les ternes discours des institutions officielles n’aient pas été à la hauteur d’un tel talent artistique et d’une telle carrière bordelaise. Ils auraient mérité d’un peu plus de brillance à l’image de l’Etoile qui quittait la scène en pleine lumière.

Jean-Claude Meymerit

 



Au CAPC de Bordeaux : une exposition Sans dessous-dessus !

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Une vue du dessus. Copyright © JCM 2020

Le musée d’art contemporain de Bordeaux, présente actuellement une œuvre gigantesque de l’artiste britannique Samara Scott. C’est son premier projet d’envergure en France. Cette présentation a lieu dans la nef principale du majestueux ancien entrepôt bordelais.

Lorsqu’on franchit la porte, le visiteur se retrouve immédiatement sous une immense tenture de voilage blanc en guise de plafond de 1000m2 environ. Le volume du bâtiment se retrouve ainsi rabaissé de moitié. Ce voilage blanc laisse apparaître par endroit des grandes traces de couleurs. Le visiteur déambulant la tête levée essaie de comprendre d’où viennent ces ombres et ces colorations. La transparence nous permet alors de deviner que ces couleurs proviennent d’objets posés sur le dessus. De dessous, ce n’est qu’un plafond lisse et coloré.

Ce n’est que lorsque nous sommes invités par l’artiste à nous installer dans les mezzanines sur le pourtour au dessus du plafond que la magie opère. Quel spectacle ! Une mer d’objets des plus insolites : spaghettis, rouleaux de papier, boites, bandes de tissus et plastiques, éponges, dentifrice, morceaux de bois…des centaines d’objets. En vérité ce sont tous des déchets issus de notre quotidien. Cette immensité visuelle ressemble à s’y méprendre à une plage de sable blanc recouverte de déchets refoulés par la mer. Les multiples couleurs vous sautent au visage.

Ce spectacle magnifique, porteur d’images assez dramatiques de notre consommation actuelle, ne lasse pas le visiteur. On a envie de voir et revoir cette exposition de dessous et de dessus, au choix. A voir absolument.



La Comédie Française : la grande Dame du théâtre !

Il aura fallu cette période douloureuse et inquiétante, pour que le commun des mortels et les passionnés de théâtre découvrent ou redécouvrent le patrimoine de la Comédie Française. Une caverne d’Ali Baba théâtrale. C’est magique !

Avec son opération « la Comédie continue ! », nous pouvons tous les jours sans quitter son fauteuil  apprécier cet immense répertoire. Il est évident que rien ne vaut une bonne place dans la salle Richelieu mais faute de ce plaisir actuel, qui reviendra nous l’espérons tous, la Comédie française nous gâte via les outils de communication informatiques.

A partir de 16h ou 18h30 , d’un simple clic nous voilà en compagnie de plus grands artistes du Français – comédiens, metteurs en scène, conférenciers,… – qui nous offrent des extraits de pièces, des retransmissions de courtes pièces, des lectures, des entretiens. Nous y découvrons les trois salles de spectacles de la Comédie Française : la salle Richelieu, le Vieux Colombier et le Studio-Théâtre. En soirée à 20h30, la diffusion d’une grande pièce est proposée. Et c’est à cet instant que des grands moments d’émotions théâtrales opèrent. Les plus grands auteurs d’œuvres classiques sont présentées : Tchekhov, Musset, Euripide, Brecht, Ibsen, Aymé, Molière, Giraudoux, Anouilh, Marivaux, Rostand, Feydeau, Goldoni, Racine, Hugo, Corneille…sans oublier bien sûr de nombreux auteurs contemporains ainsi que des productions de créations et des spectacles musicaux.

Comme ces productions datent d’époques différentes, chaque soir les grands noms se côtoient, les metteurs en scène se succèdent. On naviguent entre des mises en scène contemporaines comme celle du Misanthrope de Clément Hervieu-Leger (2017) ou comme celle très kitch d’Irène Bonnaud pour son Fanny (2008). Au cours de ces diffusions on retrouve des grands noms de metteurs en scène de ces dernières décennies : Giorgio Strehler, Franco Zeffirelli, Jacques Lassalle, Denis Podalydes, Jérôme Deschamps, Robert Wilson, Ivo van Hove, Antoine Vitez, Raymond Rouleau, Roger Planchon, Jean-Louis Benoit, Stéphane Braunschweig, Katharina Thalbach…

Ce qui me frappe le plus dans toutes ces retransmissions et commentaires, ce sont les énergies des comédiens. Ces immenses artistes, savent tout faire. Leur métamorphose dans chaque pièce est exceptionnelle. Qu’ils crient, qu’ils pleurent, qu’ils rient, qu’ils murmurent, on les entend. Ils articulent et s’investissent. Ils savent nous faire partager leur passion. Ils jouent pour leur public. Quel modèle pour tous ces pseudo comédiens mégalos qui encombrent les écrans et certaines scènes du théâtre public et privé par leur cabotinage où il faut deviner les textes qu’ils disent, ce qui provoque chez le public l’obligation de rire. Le rire remplissant le vide de la non compréhension des mots. Un comble pour du théâtre ! Les comédiens de la Comédie Française sont tout l’inverse.

Lorsqu’ils parlent de leur métier, des œuvres qu’ils jouent, ce ne sont que des mots simples, remplis de modestie. Ils s’excusent presque de nous parler. Ils nous font aimer encore plus le théâtre.

Grâce à cette opération « La Comédie continue ! », nous apprécions encore plus la tradition et le modernisme du Théâtre. Il n’ y a que la Comédie Française, patrimoine français unique, qui sait le faire. C’est vraiment une grande Dame !



Au TNBA de Bordeaux : George Dandin fait plouf !

« …le meilleur parti qu’on puisse prendre, c’est de s’aller jeter dans l’eau la tête la première. » Cette réplique finale de la pièce de Molière George Dandin ou le mari confondu, ne pouvait pas mieux tomber.

Qu’est ce qui s’est passé ? Je me suis ennuyé, c’est long et lent. Trop lent.

Connaissant très très bien cette œuvre de Molière, je me faisais une joie de découvrir la mise en scène de Jean-Pierre Vincent, metteur en scène que j’apprécie beaucoup. Cependant, sa mise en scène ne peut pas nous faire oublier celles des nombreuses productions passées, sans oublier la plus célèbre, celle de Roger Planchon.

Ce n’est pas l’austère décor bâti qui m’a gêné, bien au contraire. Ce ne sont pas non plus tous ces symboles du monde rural – un puits au milieu de la cour intérieure, de la paille, des chiens en coulisses et surtout une efficace paire de fesses de vache – qui ont entravé le déroulé de l’action. Bien au contraire. Ce n’est pas la mise en scène proprement dite qui m’a gêné. Elle est précise et moderne. Mais là où la bats blesse ce sont les débits excessivement lents, la mauvaise articulation, les voix frisant la laideur, les effets vocaux de certains comédiens. Combien de fois l’ai-je écrit dans les colonnes de ce blog ; pourquoi les comédiens sont-ils obligés de crier, d’allonger les voyelles de certains mots en les vociférant, de mal finir leurs phrases… ? C’est insupportable.

Les critères de timbre de voix, de couleur, de projection, de diction…ne sont-ils primordiaux dans le choix de comédiens ? Les castings ne sont-ils pas fait pour ça ? Sur le nombre impressionnant de comédiens sur le marché du travail, je me demande toujours comment peut-il y avoir tant d’erreurs de distribution et comment se fait-il qu’on ne puisse pas trouver de comédiens dignes de jouer un grand Molière.

Comme disaient mes voisins de spectacle, en se levant péniblement de leur siège, « on se serait cru à un spectacle de collégiens ! »  - il faut dire que nous étions encerclés de collégiens pas très motivés…-. Certes c’est exagéré mais il est vrai que ce George Dandin de Jean-Pierre Vincent ne faisait pas très professionnel. J’ai vu des Compagnies amateurs monter Dandin – sans subventions publiques excentriques- dans de passionnantes mise en scènes et surtout interprétaient par des comédiens habités par les personnages aussi bien par leur voix et par leur jeu. Ca existe heureusement !

 



À l’Opéra de Bordeaux, une Notre Dame de Paris encore brûlante et rafraîchissante !

Depuis sa création en 1965 à l’Opéra de Paris, tout à été dit sur cette incontournable production chorégraphique de Roland Petit. C’est le ballet théâtralisé par excellence qui vous captive dès le premier tableau et les premières notes de Maurice Jarre. Jusqu’à la fin nous sommes transportés par ce spectacle unique dans l’histoire de la danse.

A Bordeaux, dans la chorégraphie respectée de Roland Petit et les costumes d’origine de Yves Saint Laurent – nostalgie quand tu nous tiens ! – seuls les décors sont nouveaux. Ils sont grandioses, simples et élégants. Celui des carillons est de toute beauté.

Des artistes du corps de ballet aux danseurs solistes en passant par les musiciens de l’orchestre national et les artistes du choeur de l’Opéra de Bordeaux, ne pleuvent que des louanges bien mérités d’un public en délire, pas prêt d’oublier de magnifique spectacle chorégraphique qui boucle en feu d’artifice la saison de l’Opéra de Bordeaux.

En remontant au plus loin dans ma mémoire je me souviens du Coppélia, du Carmen et du Jeune homme et la mort de Roland Petit mais pourquoi n’ai-je je air eu l’occasion de voir Notre Dame de Paris ? L’Opéra de Bordeaux a comblé ce manque.

Jean-Claude Meymerit, 1 juillet 2019



Quand la nudité éclaire des bêtes de scène !

Ayant lu d’excellentes critiques, et autant de moins bonnes, sur le dernier spectacle d’Emma Dante, célèbre chorégraphe-dramaturge-metteure en scène de la scène italienne, je me décide lors d’un de mes passages à Paris d’aller applaudir son dernier spectacle « Bestie di Scena » (Bêtes de scène). Cette création du Piccolo Teatro di Milano présentée au Festival d’Avignon en 2017, est actuellement en ce début février 2018 à l’affiche du Rond-Point.

Sept femmes et sept hommes, sur un plateau entièrement nu, s’échauffent en direct pendant que les tous premiers spectateurs commencent à s’installer. Rien d’original. Nous nous trouvons, face à un  tableau largement usité par des centaines de compagnies. Rien de passionnant à voir gesticuler des comédiens dans des tenues du quotidien pendant plus de quinze minutes.

A l’heure dite du début du spectacle, les lumières de la salle baissent très lentement pendant que les comédiens-danseurs, dans une chorégraphie d’une grande précision, s’avancent à tour de rôle en avant-scène pour se commencer à se dévêtir. Les tee-shirts, les joggins, les chaussures, les chaussettes valsent au niveau du premier rang de la salle. Lorsque les quatorze personnages sont entièrement nus, leur jeu consiste à cacher mutuellement leurs parties intimes. C’est cocasse et assez drôle.

Puis le spectacle s’enchaîne ou plutôt se déchaîne. Avec la venue original sur scène d’objets usuels (jerrican d’eau, poupée, pétards, balais, fausses cacahuètes…). Les corps se libèrent et bougent sans aucune retenue. Que ces corps soient beaux ou ingrats, petits ou grands avec de petits ou de gros seins ou des pénis aux tailles libres…, la palette de toutes ces différences voyantes fait disparaître tous les aprioris sur la nudité de corps humains. Ces disparités s’effacent très rapidement, comme si nous nous retrouvions tous sur scène, à poil ! Chacun de nous se reconnaît, ou imagine quelqu’un de ses connaissances. Pendant une heure, nous nous voyons tous sur scène, représentés par ces quatorze comédiens. Ne soyons pas hypocrites, qui n‘a pas imaginé ses collègues, ses patrons, ses voisins en tenue minimum. Les adeptes du naturisme doivent être contents car nous retrouvons dans ce spectacle quelques préceptes de leur philosophie.

Aucun voyeurisme, de l’Art au naturel.

Même si j’ai apprécié certains tableaux de ce spectacle, je n’ai pas entièrement adhéré à l’ensemble. Qu’a voulu démontrer précisément la metteure en scène ? Je n’y ai vu que le reflet d’un échantillon de notre société à l’état pur et sans tabou. C’est déjà pas mal, mais d’autres créateurs ont déjà abordé ce sujet. Rien de neuf sous le soleil, malgré les originaux tableaux magnifiquement réglés.

Ce soir là, j’avais derrière moi des « hystériques » qui gloussaient à tous moments même sur des scènes les plus anodines. Je pense que c’est plutôt dû à un mal à l’aise devant la nudité permanente qui a dérangé ces personnes.

Si ce spectacle a pu démystifier certains préjugés sur la nudité du corps humain c’est gagné et je dis bravo ! Pas sûr !

Jean-Claude Meymerit

 



Au TNBA de Bordeaux : Don Juan revient de la guerre sans plumes !

En lisant attentivement, dans le programme du TNBA, la présentation de la pièce « Don Juan revient de guerre » de Odön von Horvath, on est vite séduit par le sujet et ses personnages. Tout y est fort et bien campé. Personnellement, je ne connaissais pas le texte, aussi mon attente et ma curiosité étaient d’autant plus fortes. Tout le monde connaît le mythe de Don Juan et toutes les interprétations qui sont faites autour de ce personnage. L’auteur a entrainé notre séducteur en Allemagne, dans l’ambiance floue et perturbée de l’après guerre 14-18. Des allusions aux diverses tendances artistiques et économiques de cette époque y sont fortement présentes.

Dès le début je fus conquis par la conception scénique : les coulisses d’un théâtre de province aux moyens limités en décors, en accessoires et surtout en comédiens. Cependant, le fait d’avoir ramené le nombre des personnages féminins à deux, alors que je ne connaissais absolument pas la pièce, m’a rapidement gêné. J’y ai même vu un certain contre sens. Toute la brillance de la présentation du sujet dans le programme s’effritait au fur et à mesure de l’avancée de la pièce. Je me suis ennuyé, surtout par cette pauvreté de nombre de comédiens. Je n’ai pas senti là un parti pris scénique du metteur en scène mais plutôt un manque de moyens réels. Aussi, remplacer ce manque de comédiens par des effets scéniques comme par exemple la projection sur un écran de côté pour y lire uniquement « chez la grand mère » etc… ou tous ces changements à vue vestimentaires soient judicieux et originaux pour une meilleure compréhension. Ce grand catalogue de scènes est à la fois fouilli et très académique. Je ne parle pas des insupportables ombres chinoises qui ne font que desservir l’histoire. Si bien que la scène finale perd toute son intensité dramatique.

En clair, je m’attendais à une merveilleuse fresque d’amour sur deux fortes toiles de fond qui sont, le mythe de séduction d’un Don Juan et de la période trouble, à la fois dramatique et joyeuse, d’entre-deux-guerres en Allemagne. Or, je n’ai pratiquement vu que des changements de costumes, des tables et des chaises en mouvement, mais pas d’émotions. Ce côté performance a été vu des milliers de fois.

Sur les trois comédiens en permanence sur scène, leur jeu est très inégal.  Autant la comédienne qui joue les personnages de jeunettes, est excellente par sa voix et son jeu, autant sa collègue m’a assez insupportée par son parler lent, aux attaques pas très justes ?  Notre Don Juan, même s’il porte en lui les souffrances de l’amour et de la grippe espagnole de l’époque et un repenti qui le ronge, un peu plus de brillance aurait été souhaitable.

Un rêve : voir rapidement cette pièce dans une autre production. En attendant, la lire sera pour moi le meilleur moyen de me faire ma propre idée de mise en scène, avec mon propre casting, avec mes propres fantasmes et mes propres émotions. C’est également ça la magie et le pouvoir du théâtre.

 



Labiche au TNBA : Ô ennui, étends la nudité sur ton ombre !

C’est cet air qu’aurait pu chanter le Méphisto de Gounod après avoir vu hier au soir au TNBA de Bordeaux, l’assemblage de deux pièces de Eugène Labiche, intitulé « Les Animals ».

J’avais parié avec des amis que j’allais voir et entendre une nouvelle fois, les quatre ingrédients, quasi familiers à toutes les productions de ce théâtre national, à savoir : utilisation de micros, musique amplifiée, gesticulations intempestives et nus gratuits. J’ai failli gagner mon pari. Je n’ai eu droit qu’aux deux derniers ingrédients, c’est à dire gesticulations et nus. Et la j’en ai eu pour mon argent (ou plutôt celui de l’Etat). J’entends déjà dans les chaumières: « c’est un vieux con, il ne comprend rien ! »… J’ai presque envie de répondre à cette éventuelle attaque : « ce n’est pas parce qu’on est simple public qu’on est taré et inculte ». Pourquoi, ceux qui nous proposent ce genre de spectacle outrancier et ennuyeux, avec toujours les mêmes ingrédients, seraient au dessus de la mêlée en se permettant de vouloir nous faire tout avaler ?

Monter des pièces de Labiche en 2016, c’est osé et en même temps assez branchouillard. Tout le monde sait que le génie de Labiche est d’être un auteur traitant à la fois des sujets sociétaux de l’époque sur toile de fond de vaudeville et un faiseur d’effets comiques, le tout agrémenté de parties chantées et d’apartés qui en font sa signature et sa force. Cependant, transformer une pièce de Labiche en une grosse farce est une ineptie.

Lorsque qu’on assiste à des représentations de pièces de Labiche montées dans une certaine tradition modernisée, on se régale, on rit franchement, c’est du champagne. Par contre, en venant ce soir au TNBA, découvrir ces deux pièces que je connaissais très mal « La dame au petit chien » et « Un mouton à l’entresol », on désenchante. Je pensais de toute évidence (et heureusement) assister à une production dépoussiérée, mais pas avec un tel étalage d’excentricités et d’effets qui nuit et masque le texte et l’intention de la pièce.

Quel ennui ! C’est long ! Le public ne rit pas, il est tout juste poli. Le salut final enthousiaste envers les comédiens, en témoignage.

J’en ai assez de tous ces metteurs en scène qui croient faire du nouveau ou de la création en proposant ce genre de spectacle. C’est l’inverse qui se produit. Il ne font que prendre un texte de prétexte et fabrique sur lui, leur délire égoïste.

Lorsqu’on compare avec les mises en scène de Laurent Laffargue il n’y a pas photo. Ce dernier modernise, apporte sa propre signature, mais surtout respecte à 100% le texte et surtout l’auteur (on se souvient de son récent Marivaux). C’est un véritable serviteur du théâtre. Ce n’est pas un parasite ou un profiteur.

Dans « les Animals », les gesticulations outrancières des comédiens voulues par le metteur en scène n’apportent rien, malgré leur talent et leur présence scénique. On ne regarde que ça et elles parasitent l’écoute du texte. Je passe volontairement rapidement sur les sexes à l’air de nos trois héros masculins et d’un des deux comédiennes. Je n’ai pas de mot pour parler de cette excentricité gratuite et inutile présentée. Le nu doit être beau, intelligent et justifié. Lorsqu’un metteur en scène sait pourquoi il le met sur scène (pour mémoire le nu dans Equus, les nus dans les Indes Galantes etc…), c’est un réel plaisir artistique.

Après le nu intégral de Michel Fau dans le dernier spectacle du TNBA, nous voici hier au soir encore avec une brochette de sexes libres. Vivement les prochains spectacles, j’espère y voir Don Juan, Figaro, Rodrigue, Chimène…nus, avec des micros, de la fumée, des gesticulations…Tous les spectateurs ne sont pas aussi sévères que moi, à en croire par l’hystérie de mes voisins de derrière, qui à chaque vision de sexe baladeur, riaient aux éclats ! Souvenirs, souvenirs… !

Même, si au fil des années, le rire évolue et que le public ne rit plus de la manière sur les mêmes choses et situations, je ne pense pas du tout que ce soit en montrant ce genre de répertoire sous une tonne d’ingrédients inutiles, sous prétexte de le « relever », que l’on va forcément le redécouvrir et l’apprécier. Depuis quand, une entrecôte peut-elle rester savoureuse à sa juste valeur gustative, si elle est chargée de sauces diverses et autres accommodements culinaires ?

Jean-Claude Meymerit



Ravel à l’Auditorium de Bordeaux, une déferlante d’émotions pour son Boléro.

Du jamais vu ! Les spectateurs penchés en avant sur leur fauteuil, des larmes aux yeux chez certains, tous écoutaient avec leurs oreilles et leurs yeux ce célèbre Boléro de Maurice Ravel, super connu et popularisé. Pourquoi ce soir, une telle tétanisation chez le public ? Je pense que cela vient de deux phénomènes : le premier est l’ordre de passage d’interprétation des oeuvres et le second est la main à la fois de fer et de velours de Paul Daniel avec laquelle il dirige l’Orchestre national de Bordeaux-Aquitaine.

La soirée commence avec l’Heure espagnole du même Ravel interprétée par quelques joyeux drilles du lyrique français que nous aimons tous, je veux citer en particulier, Karine Deshayes, Yan Beuron, Paul Gay et Florian Sempey. Bien sûr qu’il manquait la mise en scène et tous ces claquements de portes de pendules, des  montées et descentes dans les escaliers etc. C’est tout de même une comédie musicale et comme toutes les comédies c’est surtout le visuel qui l’emporte. Dans la version de ce soir en version concert (hélas !), on ressent nettement ce manque surtout que les parties musicales vocales ne sont pas à tomber à la renverse. Nos chanteurs français ont prouvé une fois de plus qu’ils existaient et que les scènes françaises et internationales, pour le répertoire français, devraient se les arracher.

Suite à cette Heure espagnole, était inscrit Iberia de Claude Debussy. Dans cette œuvre orchestrale, on sent déjà pleinement la main mise de Paul Daniel sur cet immense Orchestre. Cet Orchestre national n’a rien à envier aux plus grands orchestres du monde mais au contraire ceux-ci devrait le copier. Les musiciens, pour la plupart assez jeunes, jouent avec fougue et autorité. Leur bonheur se voit et surtout s’entend.

Pour la dernière œuvre de la soirée, le Boléro de Ravel. Je me disais, « encore ce Boléro tellement joué et rejoué. Quoique quinze minutes c’est vite passé. » Paul Daniel, avec son jeune tambour à quelques centimètres de lui, lance la machine infernale (la honte pour la personne qui a toussé au même moment !).

La déferlante est partie, les instruments décollent ? Chaque musicien veut être le meilleur et donner son maximum. Ils n’existent plus que pour leur instrument et nous faire partager leur joie. Chaque sonorité entrant dans l’arène, s’arrache de leur instrument, racle le sol, les murs, nos yeux, nos oreilles comme pour nous arracher le cœur. Wouah ! Au rythme du Boléro, les poils de notre corps se hérissent, le cœur tape, les émotions montent. Sur scène, plus on avance dans l’oeuvre, plus, les corps des musiciens bougent un peu plus, les mains s’animent – je pense surtout aux doigts des cordes qui remplaçant leur archet forment un petit ballet – Je suis incapable de citer tous les instruments, leur nombre est impressionnant. L’ONBA au grand complet. Dans la salle les corps des auditeurs commencent à se pencher de plus en plus en avant, les souffles sont coupés, les larmes sont au niveau des yeux, puis sur l’apothéose finale du Boléro, l’ovation et les larmes coulent. Du jamais vu…et entendu !

Paul Daniel et tous les musiciens de ce fabuleux Orchestre, vous êtes des fabricants d’émotions collectives. Une véritable communion s’est établie ce soir dans l’Auditoruim de Bordeaux. C’est ça le génie des vrais Artistes !

Jean-Claude Meymerit

Nota : une petite anecdote à l’entrée de l’Auditorium : un monsieur attendait dans la file d’attente pour l’achat de places. Il demande à une dame, à quelle heure ouvre le guichet ? combien de temps dure le spectacle , y a t-il des bonnes places ? etc…Un grand moment de silence, puis il demande à la même dame : « qu’est ce qu’il y a comme spectacle ce soir ? ». réponse « du Ravel ». Voilà une chose expédiée !



Au TNBA de Bordeaux : les marronniers, atteints par le chancre bactérien de la mode

Quelle est cette maladie émergente qui envahie de plus en plus insidieusement nos scènes théâtrales subventionnées ?  Je veux parler de la pseudomanias spectaclarum popularus. En clair et plus simplement, cela veut dire : utilisation systématique outrancière de fumée, de musiques, de lumières, de gesticulation, de cris, de bruitages, de chants et surtout de micros. Ces derniers provoquant sur mon épiderme des tâches brunâtres rouges d’énervement, à l’image des symptômes de la maladie bactérienne du chancre des marronniers.

Une fois de plus, au TNBA, nous y avons eu droit. Artaud dit que le théâtre c’est justement tout ça, qu’il faut utiliser tous les ingrédients de la vie et que le texte n’est qu’une partie du spectacle. Justement voilà le mot est lâché : « du spectacle ». Et bien moi, j’en ai marre « du spectacle ». Spectacle partout, dans la rue avec ces immenses fêtes pseudo populaires, ces rassemblements politiques et ses débats médiatisés outranciers, ces spectacles sur scène ou l’enveloppe l’emporte sur le texte, ces manifestations culturelles artificielles dans lesquelles il faut absolument de la cohésion sociale…la liste est longue. Cette culture de masse démagogique ne fait qu’abêtir l’individu. Il en faut certes, mais il faut qu’elle soit organisée par les citoyens eux-mêmes et non parachutée. Concernant l’Art, je suis pour des définitions et des présentations plus précises de chaque forme artistique (danse, théâtre, musique, opéra, art plastique…). Que chacune de ces formes soit agrémentée d’autres formes, je suis favorable mais il faut que les proportions soient respectées. Ce n’est pas en mélangeant pour mélanger toutes les formes, sous prétexte que cela va plaire au plus grand nombre et qui est entièrement faux, que l’on arrivera à défendre toux ces arts ou autres formes culturelles. Au contraire on les uniformise et on les fragilise.

Bien sûr mon discours ne tient pas avec le spectacle « Par delà les marronniers » de Jean-Michel Ribes, présenté hier au soir au TNBA, puisque il est sensé se situer au début du XXème en pleine période du Dadaîsme et du Surréalisme. Cependant, on s’y ennuie quand même. En 1972, date de la création de cette pièce, la société était en pleine recherche artistique et sociale, cette pièce avait beaucoup de force. Quarante quatre ans plus tard, j’ai des doutes. Cela est d’autant plus regrettable que le texte est percutant, drôle, poétique, porteur de messages. Parfaitement ciselé.

Mais alors d’où vient cet ennui ?

Je suis assez persuadé que de nos jours, l’assemblage d’ingrédients d’effets scéniques multiples ne fonctionne que très rarement et n’est pas toujours très pertinent. C’est un leurre de le croire et ce n’est pas parce tout le monde le fait ou veut le faire que la démarche artistique est dans le vrai.

Autant ces assemblages avaient une signification lorsqu’ils se voulaient mouvement éphémère de révolte, autant de nos jours, ces assemblages vus et revus sont ressassés uniquement dans un but de faire du spectaculaire. Aucun message et enjeu. Du dadaïsme en 2016, je pense plutôt à du ringardisme. Je trouve très dépassé de recréer les mouvements d’une époque bien précise dans une autre époque, C’est un contre sens avec un côté racoleur. Dans ce spectacle de Ribes où tous les tableaux sont téléphonés, on arrive pas à décoller alors que les comédiens sont excellents,  les décors somptueux et le texte percutant. Je conseille vivement à chacun de lire le texte de Jean-Michel Ribes et laisser partir son imaginaire, c’est suffisant.

En clair, ce spectacle m’a laissé de marbre, des spectateurs voisins adultes sont sortis. Les nombreux jeunes autour de moi s’ennuyaient, pas un rire, pas un applaudissement. Les lumières de la salle allumées, il fallait voir leur tête. Cherchez l’erreur !

Autant, les marronniers attaqués par les bactéries de la maladie du chancre sont sauvés grâce à des avancées de technologie génétique, autant pour les « spectacleries « présentées à tour de bras sur les scènes subventionnées, les recherches scientifiques et technologiques ne sont pas encore prêtes à intervenir. Le théâtre populaire a le temps de perdre toutes ses feuilles….

Jean-Claude Meymerit



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