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Archive pour juin 2019

À Nantes : Un Vaisseau fantôme, scéniquement sauvé des eaux !

Il faut être vraiment passionné par les œuvres de Wagner pour avoir osé faire dix heures de train aller retour afin d’assister à une représentation du Vaisseau fantôme – ou Le Hollandais volant ou tout simplement Der Fliegende Holländer pour les puristes -.

Ce voyage épique visait essentiellement la mise en scène des sœurs Rebecca et Beverly Blankenship. Pas de déception, cette scénographie est remarquable. Sur la totalité du plateau est installée une immense piscine noire contenant une vingtaine de centimètres d’eau. Pendant toute la représentation, les artistes des chœurs, les figurants et les solistes se déplacent dans cet élément naturel avec fougue ou précaution. Dans cet environnement aquatique, soit le bruit du brassage de l’eau se fait entendre violemment soit seuls quelques clapotis fixent notre attention. C’est très beau et efficace.

L’amarrage des vaisseaux est symbolisé par des cordes qui descendent des cintres et utilisées par tous les protagonistes comme dans un spectacle de music-hall. Le tableau de Senta est représenté par une immense bobine symbolisant un rouet qui réalise des cordages. Toujours les pieds dans l’eau, les femmes font tourner cette bobine comme le feraient des esclaves. Pour le dernier tableau, des bittes d’amarrage sont alignées sur un côté du plateau. Un quai de port dans un matin brumeux.

La magie de cette mise en scène vient aussi d’intelligents et précis éclairages omniprésents tout au long de l’œuvre ainsi que des fumées imitant les brouillards et les écumes qui enfin ne sont pas diffusés gratuitement comme bien souvent sur les scènes théâtrales. Ici ces fumées ont un sens. Sur un cadre noir en avant scène, le nombre d’années d’errance du Hollandais est symbolisé tout autour par des marquages de barres de comptage.

Le second vainqueur de la soirée est l’orchestre symphonique de Bretagne dirigé par Rudolf Piehlmayer. Il a su doser et maitriser les forces musicales wagnériennes en respectant les petites dimensions de la salle.

Reste les chanteurs. On nous a annoncé une Senta souffrante. Je pense qu’en possession de tous ses moyens elle aurait été une sublime Senta. Elle a de la jeunesse dans la voix, des aigus percutants et très bien projetés. Les attaques un peu timides mais ce soir elle est tout à fait excusée.

Pour la distribution masculine, j’ai beaucoup souffert. Des timbres pas très beaux, certaines voix comme usées, des écarts de justesse, des efforts vocaux inutiles… Quel dommage ! Un Vaisseau fantôme sans belles voix masculines, c’est triste. Les Chœurs des deux maisons lyriques de Nantes et Angers, acteurs permanents, manquent un peu de mordant et d’unisson.

Rien que pour la mise en scène il faut aller voir cette production de Nantes-Angers-Rennes. On s’y noierait presque !

Jean-Claude Meymerit, 5 juin 2019