On s’y attendait. Pour tous les admirateurs de cet immense chanteur, ce ne fut pas la surprise. Il est ce baryton basse qui nous fait chavirer à chacune de ses prestations. Sur scène, tout le monde se souvient de son Scarpia, son Höllander, ses Méphistophélès etc.
Pour Bordeaux, il a proposé un récital bien ficelé et équilibré et surtout très bien rodé pour être présenté sur toutes les scènes du monde. Tout par cœur sans partition sous les yeux. Des mélodies et des chants traditionnels en anglais, allemand et français. Deux airs d’opéra avec les deux Méphistophélès de Boito et de Gounod. La comédie musicale était aussi présente avec l’Opéra de quat’sous, le Violon sur le toit… La salle était ravie. Un show de grande classe étudié, posé où rien ne dépasse.
Pour ma part, je suis resté sur une frustration immense et pas des moindres. Je veux parler de la présentation générale de son récital. Certes, ce chanteur international se produisant sur toutes les scènes du monde ne va pas apprendre la langue de chaque pays où il chante, mais un minimum aurait été le bienvenu.
Ce soir, j’ai eu du mal à accepter qu’entre certaines plages musicales, il évoque sa carrière et les œuvres présentées uniquement en anglais. Dommage, car à en croire les rires exubérants de certains, son texte devait être très humoristique. Pendant ce temps, l’autre partie du public fait grise mine ou se penche vers son voisin pour picorer quelques infos mais comme celui-ci n’a pas tout compris on paraît alors moins idiot à deux. Les plus doués en connaissance de la langue de Shakespeare (ou le faisant croire) s’esclaffent bruyamment. Cette forme d’élitisme est insupportable. Deux poids deux mesures, soit on nous met parfois des surtitrages en français pour Carmen, soit on nous laisse mariner dans notre « inculterie linguistique ».
Monsieur Sir Bryn Terfel, si vous avez conçu votre récital avec de longues plages de parlés, rappelez vous que tout le monde ne connaît pas votre langue. Je sais que ce récital est au format international mais ce n’est pas une fondamentale raison. Ce n’est pas parce qu’on est amateur lyrique que l’on doit connaître cette langue. De plus, tous vos textes chantés en anglais, apparemment très humoristiques, sont tombés dans mes oreilles complètement à plat car de plus, nous ne pouvions pas suivre sur le programme faute de lumière de la salle.
Lorsque Renée Fleming est venue tout récemment donner un récital sur cette même scène bordelaise, elle a souhaité que la salle reste à demi éclairée afin de lire sur les programmes les traductions de ses chants qu’elle saupoudrait de très brèves interventions en anglais. Bravo Madame !
Jean-Claude Meymerit , 21 mars 2019
Voir et entendre ce magnifique baryton sur scène est un véritable one man show. Enfant du pays bordelais, tout le monde le connaît et tout le monde l’aime, même si pour certains, « il en fait trop ». Cependant, on ne peut pas rester insensible à sa présence et surtout à sa puissante et séduisante voix. Ce soir au Grand Théâtre de Bordeaux, il a conquit une salle pleine de « supporters ».
Comment ne pas résister aussi à son programme musical. Choix intelligent. Il a débuté son récital par le poème de Ernest Chausson le Poème de l’amour et de la mer. C’était surtout un grand mariage d’amour entre cette voix chaleureuse et les textes poétiques de Maurice Bouchor. Puis vinrent des airs d’opéra de Mozart, de Haydn et de bien sûr de Rossini, avec en bouquet final, l’air de Figaro que Florian Sempez défend avec panache sur de nombreuses scènes lyriques internationales.
En bis, il se défoule avec des airs très drôles dont les paroles légères ont entraîné le public dans de francs fous rires. Il faut le voir jouer avec son cheveux, ses mains, offrant par moment quelques œillades à son public en signe de complicité. En cadeau final il appelle Benjamin Bernheim qui est en répétition à Bordeaux pour Manon, mise en scène par Olivier Py. Ces deux voix aux accents si différents s’unissent à merveille dans un air de l’Elisir d’amore de Donizetti.
Il ne faut pas oublier David Zobel au piano dont les doigts riaient sous l’énergie du chanteur. Monsieur Sempey, merci pour ce magnifique récital.
Jean-Claude Meymerit, 6 mars 2019
Nota : Le public de ce soir m’a assez dérouté. Très calme. Avant le récital et pendant l’entracte, les discussions dans la salle et dans les couloirs se faisaient discrètes, de grands silences planaient. Une ambiance assez monacale. L’ovation après chaque air et au salut final à Florian Sempez démontre que ce public était surtout très sensible au talent fou de ce chanteur.
Il est vrai que ce duo final écrit par Richard Strauss est un des plus beaux et un des plus périlleux duo d’amour d’opéra. En ce dimanche après-midi au Capitole de Toulouse, Catherine Hunold et Issachah Savage nous ont offert un moment de lévitation inoubliable.
La mise en scène de Michel Fau, dans des décors et des costumes de David Belugou, n’a fait que surligner cette osmose vocale.
Les voix de ces deux chanteurs sont magnifiques, aux belles inflexions, aux couleurs magiques et aux aigus percutants et soyeux qui nous font hérisser le poil. Catherine Hunold a des aigus de feu. A aucun moment elle crie, elle chante, je ne me souviens pas d’avoir eu une telle sensation émotionnelle avec d’autres Ariane et pourtant quelles splendides Ariane j’ai eu la chance d’applaudir sur certaines scènes lyriques européennes : Deborah Voigt à Bilbao, Katarina Dalayman à Paris, Renée Fleming à Baden-Baden, Eva-Maria Westbroek à Munich… Pour Bacchus, du jamais entendu. Ce ténor habite son personnage avec une voix sonore et puissante, très bien projetée. Vivement son Siegmund à Bordeaux dans les prochaines semaines.
Bravo à ces deux artistes dont leurs voix s’harmonisent à l’excellence. Dans le célèbre duo final de l’ouvrage, nous vibrons avec eux.
Même si cette passionnante production est respectueuse de l’histoire et de l’époque des situations de cet opéra (c’est rare!), j’émets quelques réserves sur certains autres principaux personnages en dehors des trois Nymphes (Caroline Jestaedt, Sarah Laulan, Carolina Ullrich), aux voix puissantes et splendides.
Même si sa voix est belle, Anaïk Morel dans le rôle du Compositeur m’a semblé un peu en retrait aussi bien par son jeu que par sa voix – comment ne pas oublier Sophie Koch dans ce rôle du Compositeur qui est devenu la référence incontournable -. Dans cette production de Toulouse, la Zerbinette de Elizabeth Sutphen manque sérieusement de puissance et d’épaisseur vocales. Aussi, on reste sur sa faim surtout pour son grand air.
Rien que pour le duo de rêve entre Catherine Hunold et Issachah Savage, il faut courir au Capitole de Toulouse.
Jean-Claude Meymerit, le 3 mars 2019