Avec la mode des opéras mis en espace (finances obligent), souvent plus préférables aux coûteuses et critiquables mises en scène, les yeux s’adaptent très facilement à ces nouvelles tendances.
Cependant, autant la mise en espace du récent Pelléas bordelais était une réussite totale, autant celle d’Elektra de Justin Way me semble un peu tristounette. A en lire la note d’intention de ce metteur en espace, « son travail n’est là que pour aider l’écoute ». Un peu plus d’inventivité et de précision sur quelques éléments de décor, de costumes et surtout de lumières auraient toutefois été les bienvenues. Les panneaux blancs esseulés sur le plateau scénique font triste mine. Les tenues vestimentaires de certains chanteurs manquent un peu de classe et ne sont pas toujours appropriés aux personnages. Ne critiquons pas trop, ce n’est qu’une version concertante scénique. Cependant, il me semble que c’est justement dans ce genre de parti pris scénique que la rigueur doit s’imposer encore plus précisément. Certains jeux de scène des chanteurs m’ont complètement échappés : trémoussement outrancier d’une des servantes de Klytämnestra, sortie en coulisses d’Elektra pendant que sa mère lui parle…sauts de cabris permanents pour Chrysothemis, d’un praticable à l’autre…
Soirée inoubliable grâce à tous les autres ingrédients de cette production (voix et orchestre). Ingela Brimberg dans le rôle titre est époustouflante. Tout lui semble naturel, ses puissants aigus sont beaux et tenus. Ils s’amplifient tous sur un souffle absolu d’une manière stupéfiante. Quelle magnifique Elektra. Elle vient s’ajouter à ma palette de chanteuses préférées que j’ai maintes fois applaudies sur diverses scènes, je veux parler de Gwyneth Jones, de Janice Baird, de Nina Stemme et d’Evelyn Herlitzuis. Klytämnestra est Felicity Palmer, qui avec ses quelques printemps nous offre une leçon de chant et d’émotions rarement entendues dans ce rôle là. On a envie d’aimer son sordide personnage. Elle aussi, émarge dans la liste de celles qui m’ont fait vibrer certains soirs mémorables. Je pense à Leonie Rysanek , à Agnès Baltsa, à Doris Soffel et à l’incontournable Waltraud Meier. Même si je préfère dans Chrysothemis des voix plus charnelles et plus ronde, Ann-Marie Backlund a campé une sœur joyeuse, presque innocente, à la voix belle et lumineuse. Avec un engagement vocal et scénique peut être un peu trop excessif à mon goût pour ce rôle, l’Orest de Gidon Saks nous étonne et nous séduit par son timbre puissant sorti des ténèbres. Ne voulant pas oublier un des seuls autres personnages de ce monument lyrique, je ne citerai que quelques noms connus et aimés du public bordelais comme Aude Extrémo, Mireille Delunsch, Christophe Mortagne…Quel casting !
Celui qui œuvre à la réussite de cet ouvrage est l’Orchestre de Bordeaux Aquitaine et sa centaine de musiciens. A Bordeaux, nous avons la chance d’avoir un chef d’orchestre orfèvre, en la personne de Paul Daniel. Cette masse orchestrale placée en partie sous la scène, trouve sa juste force sonore jonglant entre les voix et la masse orchestrale. Tout semble naturel et normal. Que de beauté et d’émotions !
Cette production est digne vocalement et musicalement des grandes scènes lyriques internationales. On sort de la salle, complètement abasourdi et élecktrisé !
Jean-Claude Meymerit, Bordeaux le 29 mai 2108
L’affiche alléchante dès le premier jour de sa partition ne nous a pas déçue. Ce fut bien au delà de toutes nos espérances. Tous les ingrédients étaient réunis. Il nous fallait un grand maître pour tous les faire vibrer. Ce grand maître est Philippe Jordan. L’harmonie totale. Sa connaissance absolue des qualités de chacun de ses musiciens, lui permet d’en tirer toutes les subtilités sur chaque note et phrasé musical. Quel Orchestre ! Et quel Chef ! En ce dimanche après-midi, son ovation entre chaque acte et au final, fut le témoignage unanime d’une salle en apesanteur, remplie à ras bord.
La mise en scène était confie à Richard Jones. Personnellement, je n’ai jamais vu une de ses productions mais cette vision de l’œuvre de Wagner m’a assez fascinée, même si j’émets quelques légères réserves sur certains choix de costumes (celui de Kundry) et sur certains partis pris, comme celui de faire chanter Titurel en coulisses pendant que le personnage physique, nanifié et paralysé, porté dans les bras d’un chevalier, est légèrement caché pour ne pas faire voir au public que ce n’est pas le personnage en scène qui chante. Un peu tiré par les cheveux, curieux et pas très évident. Une autre réserve concerne le jeu théâtral demandait à Amfortas au premier acte lorsque il revêt son immense cape de cérémonie et sa couronne. Il se bouge et se contorsionne d’une manière assez comique à la Michel Fau. J’avoue ne pas voir du tout apprécié ce passage là. L’émotion disparaît pour laisser la place à du grand guignol sanguinolent. Dommage. Heureusement que ces quelques réserves sont minimes à côté de tout le reste de cette production. Sur l’ensemble de l’oeuvre, le travail théâtral est remarquable !
Le décor mobile du 1ère et 3ème acte qui occupe toute la largeur du plateau, y compris les coulisses, se déplace latéralement. Il est composé de cinq lieux d’action différents. C’est imposant et efficace. Ce dispositif me rappelle un peu celui d’Olivier Py pour son fabuleux Tristan. Pour le second acte chez Klingsor, c’est un décor inverse qui est offert. Dépouillé à l’extrême jusqu’à laisser un seul personnage sur l’immense scène totalement noire dans un simple halo lumineux. C’est saisissant. Beau parti pris aussi d’avoir imaginé Klingsor en chercheur fou s’attaquant aux manipulations génétiques, croisant des gènes végétaux et des gènes humains afin de créer des êtres humains comme par exemple les Filles-fleurs. Cette vision du pouvoir extrême sur le rôle de la transgénèse dans l’avenir de l’homme, nous parle. Le tableau des Filles-fleurs est à la fois inquiétant et amusant.
Beau parti pris également pour ce final : au lieu de la traditionnelle cérémonie du Vendredi Saint où les Chevaliers sont tous réunis autour du Graal ravivé par Parsifal, Richard Jones a préféré faire partir Parsifal, accompagné de Kundry, abandonnant le Graal en entraînant avec eux tous les Chevaliers vers d’autres aventures d’idéologies ou de croyances.
Côté chanteurs, nous avons sur le plateau de Opéra Bastille les plus grandes voix de chant wagnérien : Günther Groissböck, par sa puissante voix dans une noirceur colorée aux émotions extrêmes, est à ce jour unique dans le rôle de Gurnemanz. A égalité, Peter Mattei, envoûtant, à la voix chaleureuse et projetée, nous offre un Amfortas idéal. Andreas Schager, est un de mes ténors wagnérien préféré. J’aime cette voix unique, généreuse et entière aux aigus puissants ainsi que sa fougue scénique. Il m’avais déjà impressionné à Bayreuth dans ce rôle de Parsifal, ici à Paris il m’a conquis. Evgeny Nikitin dans le rôle de Klingsor m’a laissé un peu sur ma faim; sa voix a peiné à atteindre le balcon. Ceci n’enlève en rien à cet artiste, ce timbre profond et chaud. Anja Kampe est toujours rayonnante dans tous les rôles qu’elle porte sur scène. Que de souvenirs avec ses Sieglinde de Munich et de Bayreuth. La tessiture de mezzo de Kundry ne lui pose aucun problème. Bien au contraire elle en a la voix et les couleurs. Tous les seconds rôles bien en place en voix et en jeux ont contribué fortement à tout l’équilibre du spectacle.
Un Parsifal inoubliable. Avec un plateau de Chanteurs inouïs, une Mise en scène efficace, des Chœurs somptueux, un Orchestre et son Chef inspirés et lumineux, nous avons trouvé le Graal…et royal de surcroît.
Jean-Claude Meymerit, Paris Bastille 13 mai 2018
La phrase qui tue ! Quelle gueule devrions-nous avoir lorsqu’on est arrivé à l’âge d’obtenir des réductions dans les musées municipaux ?
On ne dit jamais à quelqu’un de 25 ans « qu’est-ce que tu fais jeune, pour ton âge ! » Alors, pourquoi le dit-on à ceux et à celles qui avancent en âge et qui vivent normalement avec les ingrédients de la vie. Cette phrase est tellement stupide que je ne vois pas comment, génétiquement, un senior pourrait avoir l’âge d’un étudiant. Comme dit la citation : « on a l’âge de nos artères« . Peu importe si esthétiquement on a naturellement grignoté quelques années à notre état civil. Et encore tout est relatif. Par rapport à quoi ? À qui ? Quels sont les critères d’apparence de référence, correspondant à chaque âge, existe-il un tableau de critères, comme par exemple :
- à quel âge, doit-on perdre ses cheveux ? - à quel âge, les rides doivent-elles surgir ? - à quel âge, les cheveux blancs ont-ils le droit d’apparaître ? - à quel âge, les poignées d’amour doivent-elles servir ? - à quel âge, chez l’homme, le bide doit-il commencer à pointer son nez ? - à quel âge, les muscles doivent ils ressembler à des flans ? Etc.
Ridicule ! À tout âge, on perd ses cheveux, à tout âge on gonfle, à tout âge des rides apparaissent. Alors que l’on nous fiche la paix avec cette réflexion stupide dite à tout instant, sous prétexte de faire plaisir. Ce n’est pas notre faute, si on a gardé un maximum de cheveux, si les poignées d’amour se font discrètes, si les cheveux blancs deviennent élégants, si les rides ne sont qu’esquissées, si le bide ne ressemble pas une montgolfière, etc.
Le paradoxe est que dans la plupart des cas, ce sont à tous ceux et celles qui s’offrent quelques retouches, à qui on a spontanément envie de leur dire, « qu’est ce que vous faites votre âge » ou même « qu’est ce que vous faites vieux. » Alors arrêteront de dire à tous ceux et celles qui sont des vivants – et non des survivants de la vie – qui acceptent de porter avec sérénité leur véritable âge civil : « qu’ils ne font pas leur âge« . C’est justement leur véritable âge qui est leur fierté.
Jaloux !
Pour la énième fois j’assiste à une production de Lohengrin en noir et blanc. Je ne parle pas que d’Elisabeth toujours en blanc ou Ortrud toujours en noir. Que ce soit pour Telramund, le Roi, le Héraut…le noir est monnaie courante. Comment les reconnaitre dans la foule ? A quand les couleurs ?
Mon seul souvenir de Lohengrin en technicolor fut la magnifique production de Werner Herzog à Bayreuth, puis celle, très surprenante de Carlos Wagner (rien à voir avec Richard), à Rouen.
Lorsque on lit en détail le livret de Richard Wagner à aucun moment l’auteur ne parle de bichromie, bien au contraire il parle d’ensoleillement, de scintillement, d’éléments de la nature etc. On ne peut pas dire qu’à l’époque du début du Moyen Age, dans laquelle se situe l’action, on snobait les couleurs, bien au contraire.
C’est donc une manie qu’ont les metteurs en scène à vouloir tout uniformiser, afin de serrer l’action et les sentiments qui y sont liés, en utilisant abusement le noir et blanc dans les décors et costumes, avec bien souvent le soutien d’éclairages sombres. Louis Désiré dans sa production de Marseille n’a pas dérogé à la tendance actuelle. Cependant, il n’est pas Olivier Py, qui, dans son Lohengrin de Bruxelles en avril dernier, utilise volontairement le noir et blanc dans une réflexion globale, en l’intégrant dans des décors somptueux et grandioses, avec éclairages blafards, le tout dans une mise en scène élaborée.
A Marseille on sent une production souffrant d’un manque de moyens financiers. Ce sol vallonné, avec ses effets de trappes et de fosses dont le résultat ne doit se voir que du parterre, est assez triste. Une toile nue en fond de scène. Une horrible table biscornue en avant scène. Un peu pitoyable. Les deux immenses urnes, comme les appellent Louis Désire, l’une refermant des armures et l’autre des vieux livres, sont théâtralement intéressantes à condition d’être utilisées plus souvent dans la dramaturgie de l’œuvre. Ce ne fut pas le cas.
Son message, comme quoi cet ouvrage est basé sur la guerre et sur la culture littéraire, est faible. Même si je ne suis pas forcément convaincu que le propos d’Oliver Py soit plus convaincant. Pour preuve, il fut obligé avant chaque représentation de présenter au public sa vision scénique. Nous sommes vraiment dans la main mise des metteurs en scène. Olivier Py reste quand même le plus grand metteur en scène de notre époque, il ne fait pas de la provocation gratuite, il s’approprie des œuvres et nous fait partager sa vision. A Bruxelles, plateau tournant. Immenses décors en mouvement permanent. Les chœurs placés sur plusieurs étages comme des loges. Les moyens ne sont pas les mêmes qu’à Marseille.
A Marseille les artistes des chœurs sont en avant scène sur deux rangs ou se déplacent sur les monticules, telles des fourmis dérangées dans leur travail. Ce n’est pas laid et pas sans intérêt, mais tous habillés de la même manière et même couleur (roi, aides du roi, soldats, habitants…), cela fait assez pauvre.
Par contre, parmi les solistes des noms familiers aux habitués des scènes wagnériennes avec une certaine préférence inconditionnelle pour l’immense Petra Lang qui déverse son venin et sa haine dans chaque note avec une puissance et un tenue des notes spectaculaire. Elle fut la reine de la soirée. Dommage que Barbara Haveman ne nous ait pas donné ces mêmes frissons. Que lui arrive t-il ? J’ai beaucoup d’admiration pour cette chanteuse. Elle m’avait charmé dans Jenufa, Lisa de la Dame de Pique et Micaëla à Toulouse et dans Elsa à Rouen. A Marseille, son premier acte est assez pénible. Petite voix, détimbrée, notes finales des fins de phrases non tenues, phrasés hachés…par contre, on la retrouve en pleine possession de ses moyens dans le deuxième et troisième acte. Sa voix jaillit et nous retrouvons ses couleurs chaudes et ses notes bien projetées telles que nous les aimons.
Pour son premier Lohengrin, scénique, celui que j’avais adoré dans Loge de l’Or du Rhin à Bayreuth, m’a beaucoup plus convaincu plus par sa voix que par sa prestance. C’est vrai que son costume est assez ridicule. Tous les autres rôles sont à la hauteur des plus dignes productions wagnériennes actuelles. En tout premier, Adrian Eröd, le Hérault du Roi, par sa voix puissante, claire et bien projetée nous régale. Je suis moins séduit par celles de Thomas Gazheli (Telramund) et de Samuel Youn (le Roi), même si leurs présences scéniques et l’engagement de leur personnage sont sans reproche.
Dans cette production de Marseille, une idée forte cependant règne tout le long de l’œuvre, il s’agit de la présence muette du frère d’Elsa, qui, soit en rêve ou en hallucination dans la tête de chacun apparaît sur la scène régulièrement. Pas très nouveau, mais ça fonctionne.
Avec la magnifique orchestration de cette production, sous la direction musicale de Paolo Arrivabeni. Envoûtantes, précises, puissantes et langoureuses à la fois, toutes ces couleurs dans chaque note de l’Orchestre et dans les voix des artistes du Choeur de l’Opéra de Marseille, compensent bien celles disparues des costumes et décors du plateau. Je préfère !
Jean-Claude Meymerit, 6 mai 2018
Je ne sais pas si ce sont les effets des rayons renaissants du soleil de ce WE qui augmentent la vitalité de nos contrôleurs SNCF ou si c’est le fait de vouloir multiplier leurs communications pour nous faire passer les pilules de désagréments des annulations et retards de ces deux jours, mais sur un mon récent voyage de Bordeaux-Marseille AR, aucun répit dans leurs informations. Quelles sont les mauvaises langues qui estiment que les contrôleurs ne nous tiennent pas courant des incidents, consignes de sécurité etc. ? Ceux qui pensent cela auraient dû emprunter les mêmes trains que moi.
Au départ de Bordeaux, deux heures de flots de paroles dites à la Marguerite Duras, avec beaucoup d’application pour nous tenir au courant régulièrement, comment le train, ayant pris 5mn au départ, allait les rattraper, etc. En soi c’est généreux. Mais pour si peu de minutes, n’en faisait-il pas un peu trop. Surtout qu’il mettait un temps infini pour nous dire une phrase. A cette belle intention, il n’arrêtait pas de nous apporter des conseils de sécurité pour la descente, les consignes de savoir-vivre dans le train etc. A ce flot de paroles, s’ajoutaient celles de la vendeuse ambulante qui nous commentait tous ses produits et son parcours dans la rame. A partir de Toulouse, changement de contrôleurs, moins bavards. Minimum syndical. Nos oreilles allaient enfin prendre un peu de repos. Les cinq minutes avaient-elles été rattrapés, on ne saura jamais.
Au retour, c’est reparti mais cette fois-ci avec 1h15 de retard. Nos charmantes contrôleuses avec leur accent ensoleillé, nous signalent en continu toutes les correspondances avec ses corrections, ses erreurs d’annonces…dans des micros qui fonctionnent comme du morse. C’est folklorique et chaleureux. Dans tous les cas, impossible de fermer l’œil ou de s’attarder dans les pages d’un bouquin. Sur un trajet de huit heures, coincé par des paysage flous dû à la poussière et la crasse sur les vitres. (quand ces vitres trains d’Intercité seront-elles lavées ? J’en avais déjà parlé dans un précédent article), ces annonces inaudibles et répétitives des contrôleurs et des marchands ambulants, et ces retards…c’est ça la patience de voyager !
L’Art de voyager est aussi un Art vivant !