Ayant toujours en mémoire cette production de la Walkyrie de Nicolas Joël créée en 1999, je ne pouvais pas rater cette reprise toulousaine. A cette époque nous avions eu la chance d’y applaudir l’immense Wotan de James Morris. Un majestueux Wotan dans un décor imposant, cette image restera indélébile dans ma mémoire. Quelle classe ! Cette magie s’est renouvelée en 2003 à l’Opéra de Nice, avec ce même Wotan.
La reprise de cette production en ce début de février 2018 toulousaine dépassa toutes mes espérances. Commençons par cet imposant décor, sombre, composé d’un immense escalier central surmonté de portiques et de sculptures massives et plus particulièrement ces ensembles de chevaux en mouvement. Le tout sur un fond de scène formé de structures en croisillons, symboles d’enfermement ou de propre piège des protagonistes ou à celui tendu par les autres. Où est passé le côté miséreux du baraquement de Hunding, où sont passés les paysages extérieurs de montagne, bois ou autre ? Peu importe. Tout se passe dans les méandres de cet escalier et son décorum. J’aurais aimé toutefois un peu de précision dans les jeux de lumières qui auraient prolongé nos émotions. Je veux parler de l’éclairage sur l’épée plantée dans le frêne et de tous ces éclairages un peu crus qui laissaient trop apparaître les marques techniques au sol.
Côté distribution, du haut vol. Impossible de sortir de l’emprise, sans exception, de toutes ces voix. J’attendais avec impatience la prestation de Daniela Sindram dans sa prise de rôle de Sieglinde. Habituée à chanter Fricka, je croyais qu’il y avait une erreur dans l’impression de la programmation. Sa Sieglinde est élégante, avec sa voix de mezzo et ses éclatants aigus de soprano dramatique, elle réunit toutes les lignes de chant et les tonalités passant d’un registre à l’autre avec une aisance à couper le souffle. La Fricka de Elena Zhidkova nous donne le frisson par sa volupté de timbre et son jeu de femme maîtresse. Comment ne pas résister à ses ordres ! Anna Smirnova dans Brünnhilde nous cloue littéralement au siège. Je n’ai jamais entendu ce rôle chanté avec autant d’engagement et de puissance de voix. Puisqu’il s’agit d’une mezzo, elle nous gâte par ses magnifiques graves puis nous entraîne dans des envols d’aigus d’une puissance inouïe. Son « hojotoho ! » d’entrée annonce immédiatement la suite de son interprétation. Jusqu’à la dernière note, pas un moment de faiblesse dans la voix, même dans les instants d’émotion et de tendresse avec son père, les coup de glaives de sa voix sont toujours omniprésents pour notre seul bonheur. Du grand art !
Comment ne pas être transporté par ce choeur des Walkyries. On regretterait presque de ne pas être un de leur prisonnier. Une homogénéité vocale rarement entendue. Chacune d’entre-elles semblait pouvoir être une Brünnhilde, une Fricka ou une Erda. Grandiose !
Côté homme, Thomas Konieczny en Wotan, au timbre si reconnaissable et si particulier, sculpte chaque mot et chaque note de la partition en évoquant à tout instant ses désirs de puissance, mais également ses regrets d’echec de père. Les adieux à sa fille sont troublants, ses dernières phrases, d’une insolente beauté de puissance vocale, sont bouleversantes. Dimitry Ivashchenko dans Hunding n’a pas, comme la plupart des titulaires de ce rôle, cette méchanceté bestiale et vulgaire. Lui, est tout simplement jaloux et veut terminer sa mission vengeresse en modulant une magnifique voix aux splendides sonorités. Michael Köning, dans Siegmund, nous séduit par cette voix claire et puissante, projetée sans effort et sans perdre aucune des intentions. Vocalement, son premier acte est exemplaire.
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