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Archive pour février 2018

Y-a-t’il une clé à pipe dans le train ?

Une annonce dans le train par le contrôleur :

« Il y a un petit garçon qui vient de se coincer le bras entre deux sièges. J’ai pu deviser un côté mais pour l’autre côté je n’ai pas pu car je n’ai pas de tournevis adapté. Quelqu’un aurait-il une trousse, avec une clé à pipe ?

La démarche du contrôleur était bien, mais qui part en voyage avec sa trousse de tournevis et de clés à pipe ?



Quand la nudité éclaire des bêtes de scène !

Ayant lu d’excellentes critiques, et autant de moins bonnes, sur le dernier spectacle d’Emma Dante, célèbre chorégraphe-dramaturge-metteure en scène de la scène italienne, je me décide lors d’un de mes passages à Paris d’aller applaudir son dernier spectacle « Bestie di Scena » (Bêtes de scène). Cette création du Piccolo Teatro di Milano présentée au Festival d’Avignon en 2017, est actuellement en ce début février 2018 à l’affiche du Rond-Point.

Sept femmes et sept hommes, sur un plateau entièrement nu, s’échauffent en direct pendant que les tous premiers spectateurs commencent à s’installer. Rien d’original. Nous nous trouvons, face à un  tableau largement usité par des centaines de compagnies. Rien de passionnant à voir gesticuler des comédiens dans des tenues du quotidien pendant plus de quinze minutes.

A l’heure dite du début du spectacle, les lumières de la salle baissent très lentement pendant que les comédiens-danseurs, dans une chorégraphie d’une grande précision, s’avancent à tour de rôle en avant-scène pour se commencer à se dévêtir. Les tee-shirts, les joggins, les chaussures, les chaussettes valsent au niveau du premier rang de la salle. Lorsque les quatorze personnages sont entièrement nus, leur jeu consiste à cacher mutuellement leurs parties intimes. C’est cocasse et assez drôle.

Puis le spectacle s’enchaîne ou plutôt se déchaîne. Avec la venue original sur scène d’objets usuels (jerrican d’eau, poupée, pétards, balais, fausses cacahuètes…). Les corps se libèrent et bougent sans aucune retenue. Que ces corps soient beaux ou ingrats, petits ou grands avec de petits ou de gros seins ou des pénis aux tailles libres…, la palette de toutes ces différences voyantes fait disparaître tous les aprioris sur la nudité de corps humains. Ces disparités s’effacent très rapidement, comme si nous nous retrouvions tous sur scène, à poil ! Chacun de nous se reconnaît, ou imagine quelqu’un de ses connaissances. Pendant une heure, nous nous voyons tous sur scène, représentés par ces quatorze comédiens. Ne soyons pas hypocrites, qui n‘a pas imaginé ses collègues, ses patrons, ses voisins en tenue minimum. Les adeptes du naturisme doivent être contents car nous retrouvons dans ce spectacle quelques préceptes de leur philosophie.

Aucun voyeurisme, de l’Art au naturel.

Même si j’ai apprécié certains tableaux de ce spectacle, je n’ai pas entièrement adhéré à l’ensemble. Qu’a voulu démontrer précisément la metteure en scène ? Je n’y ai vu que le reflet d’un échantillon de notre société à l’état pur et sans tabou. C’est déjà pas mal, mais d’autres créateurs ont déjà abordé ce sujet. Rien de neuf sous le soleil, malgré les originaux tableaux magnifiquement réglés.

Ce soir là, j’avais derrière moi des « hystériques » qui gloussaient à tous moments même sur des scènes les plus anodines. Je pense que c’est plutôt dû à un mal à l’aise devant la nudité permanente qui a dérangé ces personnes.

Si ce spectacle a pu démystifier certains préjugés sur la nudité du corps humain c’est gagné et je dis bravo ! Pas sûr !

Jean-Claude Meymerit

 



La Walkyrie au Capitole de Toulouse : un festival de voix !

Ayant toujours en mémoire cette production de la Walkyrie de Nicolas Joël créée en 1999, je ne pouvais pas rater cette reprise toulousaine. A cette époque nous avions eu la chance d’y applaudir l’immense Wotan de James Morris. Un majestueux Wotan dans un décor imposant, cette image restera indélébile dans ma mémoire. Quelle classe ! Cette magie s’est renouvelée en 2003 à l’Opéra de Nice, avec ce même Wotan.

La reprise de cette production en ce début de février 2018 toulousaine dépassa toutes mes espérances. Commençons par cet imposant décor, sombre, composé d’un immense escalier central surmonté de portiques et de sculptures massives et plus particulièrement ces ensembles de chevaux en mouvement. Le tout sur un fond de scène formé de structures en croisillons, symboles d’enfermement ou de propre piège  des protagonistes ou à celui tendu par les autres. Où est passé le côté miséreux du baraquement de Hunding, où sont passés les paysages extérieurs de montagne, bois ou autre ? Peu importe. Tout se passe dans les méandres de cet escalier et son décorum. J’aurais aimé toutefois un peu de précision dans les jeux de lumières qui auraient prolongé nos émotions. Je veux parler de l’éclairage sur l’épée plantée dans le frêne et de tous ces éclairages un peu crus qui laissaient trop apparaître les marques techniques au sol.

Côté distribution, du haut vol. Impossible de sortir de l’emprise, sans exception, de toutes ces voix. J’attendais avec impatience la prestation de Daniela Sindram dans sa prise de rôle de Sieglinde. Habituée à chanter Fricka, je croyais qu’il y avait une erreur dans l’impression de la programmation. Sa Sieglinde est élégante, avec sa voix de mezzo et ses éclatants aigus de soprano dramatique, elle réunit toutes les lignes de chant et les tonalités passant d’un registre à l’autre avec une aisance à couper le souffle. La Fricka de Elena Zhidkova nous donne le frisson par sa volupté de timbre et son jeu de femme maîtresse. Comment ne pas résister à ses ordres ! Anna Smirnova dans Brünnhilde nous cloue littéralement au siège. Je n’ai jamais entendu ce rôle chanté avec autant d’engagement et de puissance de voix. Puisqu’il s’agit d’une mezzo, elle nous gâte par ses magnifiques graves puis nous entraîne dans des envols d’aigus d’une puissance inouïe. Son « hojotoho ! » d’entrée annonce immédiatement la suite de son interprétation. Jusqu’à la dernière note, pas un moment de faiblesse dans la voix, même dans les instants d’émotion et de tendresse avec son père, les coup de glaives de sa voix sont toujours omniprésents pour notre seul bonheur. Du grand art !

Comment ne pas être transporté par ce choeur des Walkyries. On regretterait presque de ne pas être un de leur prisonnier. Une homogénéité vocale rarement entendue. Chacune d’entre-elles semblait pouvoir être une Brünnhilde, une Fricka ou une Erda. Grandiose !

Côté homme, Thomas Konieczny en Wotan, au timbre si reconnaissable et si particulier, sculpte chaque mot et chaque note de la partition en évoquant à tout instant ses désirs de puissance, mais également ses regrets d’echec de père. Les adieux à sa fille sont troublants, ses dernières phrases, d’une insolente beauté de puissance vocale, sont bouleversantes. Dimitry Ivashchenko dans Hunding n’a pas, comme la plupart des titulaires de ce rôle, cette méchanceté bestiale et vulgaire. Lui, est tout simplement jaloux et veut terminer sa mission vengeresse en modulant une magnifique voix aux splendides sonorités. Michael Köning, dans Siegmund, nous séduit par cette voix claire et puissante, projetée sans effort et sans perdre aucune des intentions. Vocalement, son premier acte est exemplaire.

L’Orchestre national du Capitole placé sous la baguette de Claus Peter For, s’est montré comme à l’accoutumée, maître de la fosse. Aucune saturation auditive, le Chef a su équilibrer l’ensemble avec une maîtrise absolue jusque dans les sonorités détaillées des instruments.
Une Walkyrie digne des plus grands festivals dédié à Wagner.
Jean-Claude Meymerit
3 février 2018