A l’Opéra national d’Amsterdam, un Tristan et Isolde d’amour !

Posté le 22 janvier 2018

Il n’était pas question de rater cette production co-produite par le Théâtre des Champs Elysées et l’Opéra de Rome. Ne l’ayant pas vue à Paris, je m’empresse de me rendre à Amsterdam, d’autant plus que la distribution proposée me semblait plus intéressante que celle des deux autres théâtres partenaires. Réunis en cette première du 18 janvier, sur l’immense plateau du National opéra et ballet d’Amsterdam, tous les noms des chanteurs affichés laissaient prévoir une représentation de rêve. Ricarda Merbeth, Stephen Gould, Günther Groissböck, Michelle Breedt, Iain Paterson… Ils allaient nous enchanter.

Tous ces artistes, je les connaissais et je venais de les applaudir, pour la plupart, cet été à Bayreuth, tout au moins Merbeth, Gould et Paterson affichés dans une mise en scène de la petite fille de Wagner. Autant l’approche et la mise en scène de cette dernière ne m’ont pas du tout séduites et émues, autant celle de Pierre Audi à Amsterdam m‘a profondément passionnée.

Certes, elle n’effacera pas toutes ces mises en scènes que j’ai eu la chance d’applaudir à droite et à gauche aux quatre coins de l’Europe. Mes préférences allant à celle d’Olivier Py à Angers, de Kaus Guth à Dusserdorft, d’Alex Ollé à Lyon, de Christophe Marler à Bayreuth, sans parler de celle d’Antony Macdonald à Strasbourg que j‘ai adorée, sans oublier celle de Giuseppe Frigeni à Bordeaux.

Celle de Pierre Audi est passionnante par ses presque non-dits ou ses non-montrés. Les décors bougent, les lumières animent sans arrêt le plateau, les chanteurs font de grands déplacements occupant l’ensemble de l’immense espace. C’est très théâtralisé, voire géométrique ; la direction d’acteurs se voit et cela m’intéresse. Voir le faux… D’autant plus que les deux héros se croisent, se regardent sans se regarder, se parlent sans se parler etc. Qui joue avec qui ? On cherche, on hésite, on veut comprendre à tout instant les intentions du metteur en scène. Pas de filtre de mort ou d’amour sous forme liquide, mais la manipulation d’une pierre noire et d’un diamant. Ces deux pierres aux pouvoirs magiques se retrouvent en grandeur géante en décor principal au second acte. C’est passionnant. Cette œuvre se prête tellement bien à toutes ces interprétations.

J’aurais une petite réserve pour la scène finale avec le  grand air d’Isolde. Je trouve qu’il a manqué au metteur en scène, un soupçon d’imagination pour cette fin tant attendue et appréciée du public. Dans la production d’Audi, on reste un peu sur sa fin.

Côté chanteurs, quoi dire ? Que Ricarda Merbeth est toujours une Isolde engagée au timbre clair, symbolisant bien un jeune Isolde. Sa voix est puissante et ses aigus cinglants. Stefen Gould est toujours immense dans ce rôle. Pas un seul instant de fatigue, quelle puissance lui aussi dans les aigus et quelle clarté. Dans le rôle du roi Mark, le plaisir apparaît dès les premières notes de Günther Groissböck. Son personnage et sa voix sont à l’opposé de certains rois Mark trop vieux ou aux voix trop profondes qui en font des personnages voués à être cocus. Chez Goissböck, sa jalousie est visible avec beaucoup de jeunesse et d’humanité, sans fatalisme.

Tous les autres rôles sont défendus avec beaucoup de présence aux voix idéales pour ces rôles en citant tout particulièrement Michelle Breedt et Iain Paterson, habitués à leur rôle respectif.

Marc Albrecht conduit avec grandeur et précision le magnifique Orchestre Philarmonique des Pays-Bas. Il fut longuement ovationné.

Je ne peux pas finir ce billet sans signaler mon admiration au public d’Amsterdam qui, sans manifester avec hystérie ou hurlements débordants, son plaisir et sa joie, s’est levé d’un bloc aux premiers applaudissements. Une salle debout, du parterre au dernier balcon, ainsi que tous les musiciens de l’orchestre. Quel tableau émouvant ! Du jamais vu. Puis quelques instants après les bouquets de fleurs arrivent et sont distribués à l’ensemble de tous les chanteurs. Quelle classe. On peut alors vraiment parler d’amour entre les artistes et le public. Bel exemple !

Jean-claude Meymerit

19 janvier 2018

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