Labiche au TNBA : Ô ennui, étends la nudité sur ton ombre !

Posté le 11 décembre 2016

C’est cet air qu’aurait pu chanter le Méphisto de Gounod après avoir vu hier au soir au TNBA de Bordeaux, l’assemblage de deux pièces de Eugène Labiche, intitulé « Les Animals ».

J’avais parié avec des amis que j’allais voir et entendre une nouvelle fois, les quatre ingrédients, quasi familiers à toutes les productions de ce théâtre national, à savoir : utilisation de micros, musique amplifiée, gesticulations intempestives et nus gratuits. J’ai failli gagner mon pari. Je n’ai eu droit qu’aux deux derniers ingrédients, c’est à dire gesticulations et nus. Et la j’en ai eu pour mon argent (ou plutôt celui de l’Etat). J’entends déjà dans les chaumières: « c’est un vieux con, il ne comprend rien ! »… J’ai presque envie de répondre à cette éventuelle attaque : « ce n’est pas parce qu’on est simple public qu’on est taré et inculte ». Pourquoi, ceux qui nous proposent ce genre de spectacle outrancier et ennuyeux, avec toujours les mêmes ingrédients, seraient au dessus de la mêlée en se permettant de vouloir nous faire tout avaler ?

Monter des pièces de Labiche en 2016, c’est osé et en même temps assez branchouillard. Tout le monde sait que le génie de Labiche est d’être un auteur traitant à la fois des sujets sociétaux de l’époque sur toile de fond de vaudeville et un faiseur d’effets comiques, le tout agrémenté de parties chantées et d’apartés qui en font sa signature et sa force. Cependant, transformer une pièce de Labiche en une grosse farce est une ineptie.

Lorsque qu’on assiste à des représentations de pièces de Labiche montées dans une certaine tradition modernisée, on se régale, on rit franchement, c’est du champagne. Par contre, en venant ce soir au TNBA, découvrir ces deux pièces que je connaissais très mal « La dame au petit chien » et « Un mouton à l’entresol », on désenchante. Je pensais de toute évidence (et heureusement) assister à une production dépoussiérée, mais pas avec un tel étalage d’excentricités et d’effets qui nuit et masque le texte et l’intention de la pièce.

Quel ennui ! C’est long ! Le public ne rit pas, il est tout juste poli. Le salut final enthousiaste envers les comédiens, en témoignage.

J’en ai assez de tous ces metteurs en scène qui croient faire du nouveau ou de la création en proposant ce genre de spectacle. C’est l’inverse qui se produit. Il ne font que prendre un texte de prétexte et fabrique sur lui, leur délire égoïste.

Lorsqu’on compare avec les mises en scène de Laurent Laffargue il n’y a pas photo. Ce dernier modernise, apporte sa propre signature, mais surtout respecte à 100% le texte et surtout l’auteur (on se souvient de son récent Marivaux). C’est un véritable serviteur du théâtre. Ce n’est pas un parasite ou un profiteur.

Dans « les Animals », les gesticulations outrancières des comédiens voulues par le metteur en scène n’apportent rien, malgré leur talent et leur présence scénique. On ne regarde que ça et elles parasitent l’écoute du texte. Je passe volontairement rapidement sur les sexes à l’air de nos trois héros masculins et d’un des deux comédiennes. Je n’ai pas de mot pour parler de cette excentricité gratuite et inutile présentée. Le nu doit être beau, intelligent et justifié. Lorsqu’un metteur en scène sait pourquoi il le met sur scène (pour mémoire le nu dans Equus, les nus dans les Indes Galantes etc…), c’est un réel plaisir artistique.

Après le nu intégral de Michel Fau dans le dernier spectacle du TNBA, nous voici hier au soir encore avec une brochette de sexes libres. Vivement les prochains spectacles, j’espère y voir Don Juan, Figaro, Rodrigue, Chimène…nus, avec des micros, de la fumée, des gesticulations…Tous les spectateurs ne sont pas aussi sévères que moi, à en croire par l’hystérie de mes voisins de derrière, qui à chaque vision de sexe baladeur, riaient aux éclats ! Souvenirs, souvenirs… !

Même, si au fil des années, le rire évolue et que le public ne rit plus de la manière sur les mêmes choses et situations, je ne pense pas du tout que ce soit en montrant ce genre de répertoire sous une tonne d’ingrédients inutiles, sous prétexte de le « relever », que l’on va forcément le redécouvrir et l’apprécier. Depuis quand, une entrecôte peut-elle rester savoureuse à sa juste valeur gustative, si elle est chargée de sauces diverses et autres accommodements culinaires ?

Jean-Claude Meymerit

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