Au TNBA de Bordeaux : les marronniers, atteints par le chancre bactérien de la mode

Posté le 17 novembre 2016

Quelle est cette maladie émergente qui envahie de plus en plus insidieusement nos scènes théâtrales subventionnées ?  Je veux parler de la pseudomanias spectaclarum popularus. En clair et plus simplement, cela veut dire : utilisation systématique outrancière de fumée, de musiques, de lumières, de gesticulation, de cris, de bruitages, de chants et surtout de micros. Ces derniers provoquant sur mon épiderme des tâches brunâtres rouges d’énervement, à l’image des symptômes de la maladie bactérienne du chancre des marronniers.

Une fois de plus, au TNBA, nous y avons eu droit. Artaud dit que le théâtre c’est justement tout ça, qu’il faut utiliser tous les ingrédients de la vie et que le texte n’est qu’une partie du spectacle. Justement voilà le mot est lâché : « du spectacle ». Et bien moi, j’en ai marre « du spectacle ». Spectacle partout, dans la rue avec ces immenses fêtes pseudo populaires, ces rassemblements politiques et ses débats médiatisés outranciers, ces spectacles sur scène ou l’enveloppe l’emporte sur le texte, ces manifestations culturelles artificielles dans lesquelles il faut absolument de la cohésion sociale…la liste est longue. Cette culture de masse démagogique ne fait qu’abêtir l’individu. Il en faut certes, mais il faut qu’elle soit organisée par les citoyens eux-mêmes et non parachutée. Concernant l’Art, je suis pour des définitions et des présentations plus précises de chaque forme artistique (danse, théâtre, musique, opéra, art plastique…). Que chacune de ces formes soit agrémentée d’autres formes, je suis favorable mais il faut que les proportions soient respectées. Ce n’est pas en mélangeant pour mélanger toutes les formes, sous prétexte que cela va plaire au plus grand nombre et qui est entièrement faux, que l’on arrivera à défendre toux ces arts ou autres formes culturelles. Au contraire on les uniformise et on les fragilise.

Bien sûr mon discours ne tient pas avec le spectacle « Par delà les marronniers » de Jean-Michel Ribes, présenté hier au soir au TNBA, puisque il est sensé se situer au début du XXème en pleine période du Dadaîsme et du Surréalisme. Cependant, on s’y ennuie quand même. En 1972, date de la création de cette pièce, la société était en pleine recherche artistique et sociale, cette pièce avait beaucoup de force. Quarante quatre ans plus tard, j’ai des doutes. Cela est d’autant plus regrettable que le texte est percutant, drôle, poétique, porteur de messages. Parfaitement ciselé.

Mais alors d’où vient cet ennui ?

Je suis assez persuadé que de nos jours, l’assemblage d’ingrédients d’effets scéniques multiples ne fonctionne que très rarement et n’est pas toujours très pertinent. C’est un leurre de le croire et ce n’est pas parce tout le monde le fait ou veut le faire que la démarche artistique est dans le vrai.

Autant ces assemblages avaient une signification lorsqu’ils se voulaient mouvement éphémère de révolte, autant de nos jours, ces assemblages vus et revus sont ressassés uniquement dans un but de faire du spectaculaire. Aucun message et enjeu. Du dadaïsme en 2016, je pense plutôt à du ringardisme. Je trouve très dépassé de recréer les mouvements d’une époque bien précise dans une autre époque, C’est un contre sens avec un côté racoleur. Dans ce spectacle de Ribes où tous les tableaux sont téléphonés, on arrive pas à décoller alors que les comédiens sont excellents,  les décors somptueux et le texte percutant. Je conseille vivement à chacun de lire le texte de Jean-Michel Ribes et laisser partir son imaginaire, c’est suffisant.

En clair, ce spectacle m’a laissé de marbre, des spectateurs voisins adultes sont sortis. Les nombreux jeunes autour de moi s’ennuyaient, pas un rire, pas un applaudissement. Les lumières de la salle allumées, il fallait voir leur tête. Cherchez l’erreur !

Autant, les marronniers attaqués par les bactéries de la maladie du chancre sont sauvés grâce à des avancées de technologie génétique, autant pour les « spectacleries « présentées à tour de bras sur les scènes subventionnées, les recherches scientifiques et technologiques ne sont pas encore prêtes à intervenir. Le théâtre populaire a le temps de perdre toutes ses feuilles….

Jean-Claude Meymerit

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