La Walkyrie à Baden Baden : les femmes mènent les hommes, 2 à 0 !

Posté le 10 juillet 2016

En cette première du concert de Die Walküre de Richard Wagner donné au Festspielhaus de Baden Baden en Allemagne, pourquoi le public était si clairsemé ? On aurait cru une garde-robes (à en croire les tenues vestimentaires chicos du public…) attaquée par une armée de mites. Normalement, vu les difficultés à trouver une place depuis des mois, nous aurions dû supporter notre voisin pendant plus de quatre heures genoux contre genoux. Ce ne fut pas le cas car il fut très facile de changer de place. Une aubaine pour moi, j’ai pu passer ainsi d’une place moyenne de côté à une super place de face.

Pourtant ce concert de la Walkyrie se voulait être le top de la saison lyrique de Baden Baden, regroupant sur l’affiche, une palette de stars (Kaufmann, Herlitzius, Pape, Westbroek, Petrenko, Gubanova sous la baguette de Gergiev). Mais alors, que s’est il passé ?

Déjà notre Siegmund tant attendu, Jonas Kaufmann, a déclaré forfait (raison de santé, dixit la Direction). Pour ma part je garde un doute. N’oublions pas la seconde raison : ce soir là, la France affrontait l’Allemagne. Comme tout le monde comprend mon allusion, cela me fait économiser de la place et surtout me dispense d’employer des mots, qui pour moi, rien que de les taper, me crispent les doigts. Ces deux phénomènes réunis ont donné le résultat précité. De nombreuses places vides et nombreuses reventes de billets à l’entrée. Quel dommage !

Venons-en au concert proposé :

Valery Gergiev au pupitre de l’orchestre de Mariinsky. Malgré son doigté et sa gestuelle d’orfèvre, il ne m’a pas donné aucun frisson. c’était un peu brouillon. Ma comparaison s’appuie sur le concert de cette même Walkyrie à la Philharmonique de Berlin avec Simon Rattle à la tête de la Berliner Philharmonike. J’avais été envoûté et envahi d’émotions. À Baden, je n’ai pas entendu tous ces veloutés et sonorités des cordes en particulier et toutes ces nuances de violences des sentiments.

Le remplaçant de Kaufmann est Stuart Skelton. C’est un parfait Siegmund, classique. Sa sœur Sieglinde est Eva-Maria Westbroek, dont j’ai eu le bonheur d’entendre dans ce rôle à Francfort et à Berlin (sans compter la retransmission du Met de New York). Elle m’émeut toujours autant. Ce rôle est fait pour elle, féminité, fragilité et énergie. Son velouté et surtout ce timbre majestueux, font merveille.

Evelyn Herlitzius est Brünnhilde. J’ai une profonde admiration pour cette chanteuse (si mal connue en France). Ses prestations sont toujours impressionnantes. Quels souvenirs ! (ses trois Brünnhilde de la Tétralogie à Berlin, son Katia Kabanova à Bruxelles, son Léonore à Dresde, ses Elektra à Berlin et à Aix). Lors d’un Crépuscule des dieux à Berlin, j’avais versé quelques larmes pendant son air de l’Immolation. Dans cette production-concert de Baden Baden, elle réussit à occuper l’espace par son jeu et sa présence.  Sa voix, si particulière et immédiatement reconnaissable, nous enchante et nous impressionne toujours par sa puissance.

Ekaterina Gubanova est Fricka. Quelle mezzo ! Sa Fricka est solennelle. À chaque mot et note elle impose son personnage. Le phrasé est soyeux et parfaitement projeté.

Ces trois chanteuses interprètent souvent leurs rôles en production scénique. Elles s’impliquent à fond, plus particulièrement Eva-Maria Westbroek et Evelyn Herlitzius qui en sont des exemples majeurs. Leurs investissements scéniques et vocaux sont endiablés. De véritables tigresses, défendant chacune à leur manière, l’Amour.

Mikhail Pentrenko, m’a un peu déçu. Question de goût. Je préfère pour le rôle de Hunding une voix plus sombre. Lui est beaucoup plus dans la retenue et sa voix ne me semble pas assez épaisse pour ce rôle. N’est-ce pas un méchant ?

J’espérais beaucoup sur René Pape dans le rôle de Wotan. En dehors du fait que c’est le seul à lire la partition à un pupitre, il semble un peu en retrait de l’histoire. Son phrasé et son timbre sont toujours des plus subtiles. René Pape reste toutefois le baryton-basse que l’on aime.

Je ne voudrais pas conclure le bref résumé de cette soirée wagnérienne allemande sans évoquer le magnifique choeur des Walkyries. Des voix généreuses avec des timbres très marqués et somptueux. C’est rare d’entendre cet ensemble des huit Walkyries avec autant de personnalités vocales.

Malgré quelques réticences globales et particulières sur ce concert et ses protagonistes, cette soirée restera gravée dans ma mémoire rien que pour les performances des trois héroïnes féminines et du choeur des Walkyries. Malgré moi, j’ai eu droit moi aussi à mon match !

Jean-Claude Meymerit

9 juillet 2016

 

 

 

 

 

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