J’ai honte ! Voilà dix ans que le Chœur Voyageur existe à Bordeaux et c’est la première fois que j’assiste à un de leur concert. Ce soir leur prestation est donnée dans la cour d’honneur de l’Hôtel de Ville de Bordeaux dans le cadre des concerts gratuits de l’été (je vous arrête tout de suite : ce n’est pas parce que c’était gratuit que j’y suis allé !…)
Une cour remplie de bordelais et de vacanciers aux tenues vestimentaires très estivales. Ces couleurs d’été, nous les retrouvons dans la tenue de scène multicolore de nos choristes.
Sauf erreur de ma part, le chœur se compose habituellement d’un noyau d’une quarantaine de chanteurs, pour la plupart en activité professionnelle musicale et lyrique. Lors de certains concerts, ils leur arrivent d’accueillir des chanteurs stagiaires doublant ainsi leur effectif. C’est ainsi que ce soir, notre noyau n’étant que d’une vingtaine, se retrouve, en l’espace d’un éclair lors d’un morceau musical, augmenté d’une soixantaine de personnes supplémentaires. Effet assez saisissant. Dès le premier morceau notre choeur nous projette aux quatre coins du monde dans des langues les plus variées. Son originalité – qui en fait, je suppose son immense succès – est l’intelligence dans laquelle tout y est abordé : la musicalité, l’humour, la diversité musicale, le jeu théâtral…et surtout l’énergie (même en cette soirée caniculaire de juillet).
Pas de partition tenue par des mains crispées et des regards se baladant sans arrêt de celle-ci aux gestes du chef de chant. Avec Le Choeur Voyageur, tout est appris par cœur, ce qui donne pour résultat une expression des visages et des corps, passionnante. Toutes et tous chantent avec conviction et passion. On écoute et on regarde.
Cette alchimie, nous la devons surtout à Alexis Duffaure, le créateur et le chef de chant de ce choeur. Sa direction est rodée et efficace. Sa présence est théâtrale. Il ne gesticule pas comme font la plupart des chefs. Il n’est pas uniquement « leur Chef », il est également son « propre Chef ». Ses gestes dosés envoient aux chanteurs toutes les consignes musicales essentielles, avec grâce. Du grand art. De plus la présentation de chaque morceau est faite avec simplicité, élégance et humour.
Des soirées comme celle de ce soir nous manquent déjà. à quand les prochaines ? Un tour du monde musical dans le passé et dans l’aujourd’hui, sans bouger de sa chaise, n’appelle t-on pas ça aussi, vacances ?
Petite messe solennelle, œuvre de Gioachimo Rossini crée en 1864, écrite plus de trente-cinq ans après son dernier opéra, était offerte pour un seul soir (dommage !), par l‘association Resonances-Groupe lyrique à la Chapelle Saint-André de Bordeaux. Comme prévu par Rossini, sur scène piano et harmonium, un choeur mixte et quatre solistes. Dans la salle, oh pardon dans la chapelle, pas un interstice sur les bancs pour s’y glisser. Un monde fou. Debout et assis dans l’allée principale, le public silencieux et attentif écoute les quatorze morceaux composant cette petite messe dans la plus grande solennité. Ambiance très esprit festival d’été. Ce petit bijou musical plein d’entrain et de douceur a trouvé sa place.
Quel magnifique travail offert par le chœur « Atout Chœur » et son chef de chant Isabelle Laurent. Ils chantent avec conviction, joyeux et graves à la fois. Les pianos, sous les doigts enjoués de Jean-Marc Fontana et de Françoise Lavielle-Biais sont à la fête. Magnifique performance !
Nos quatre solistes, un ténor, une contralto, une basse et une soprano nous font voyager dans les méandres de leur timbre respectif : ensoleillé avec le ténor Stéphane Victor, charnel avec la contralto Lucile Verbizier, profond avec la basse Liang Wu. Ces trois jeunes chanteurs lyriques sont à l’orée de leur carrière. Si je n’ai pas cité dans la foulée la soprano Laurence Janot, c’est que j’ai fait une redécouverte unique en l’écoutant ce soir. Cette chanteuse déjà confirmée, que j’ai eu la chance de découvrir sur scène en Avignon dans Lucia di Lammermoor il y a plus de vingt ans au côté des débuts de Roberto Alagna, m’a ce soir, complètement fascinée. Sa voix s’est élargie avec un solide médium, riche et coloré, accompagné de magnifiques graves. Avoir le souvenir d’une soprano colorature et la redécouvrir proche d’une mezzo-soprano, c’est étonnant et fascinant. Quels futurs beaux rôles va-t-elle nous réserver ! On rêve déjà à certains…mais chut !
Jean-Claude Meymerit