Encore un spectacle sur la guerre de 14-18 (et ce n’est pas fini, la commémoration du centenaire, en cette année 2014, ne fait que commencer !). Aussi, c’est avec appréhension et beaucoup d’inconnues que je suis allé ce soir au TNBA voir cette production théâtrale intitulée « Grande guerre « . Tout ce que je regrette est que ce spectacle ne dure pas plus longtemps. C’est très frustrant, mais c’est grandiose ! Et pourtant tout est miniaturisé.
Une grande fresque dramatique racontée avec de tous petits moyens (je veux parler des objets utilisés). Quelle intelligence de la part de ce collectif néerlandais « Hotel Modern et Arthur Sauer» de renommée internationale. Ils ont tout compris. Si on demande aujourd’hui à quelqu’un dans la rue de nous raconter les grandes lignes de cette Première guerre mondiale, les réponses sont floues. Avec ces artistes, nous avons des réponses : l’origine de cette guerre, les pays « déclencheurs », les émotions, la violence, le bruit, l’horreur, le souvenir, le respect…
Ce spectacle théâtral est basé sur les principes de trucage de cinéma, trois jeunes filles, « truceuses » et diseuses, s’activent devant leurs paillasses en manipulant des quantités d’objets miniatures et effets avec un doigté et une précision implacables. Le tout avec la complicité d’un musicien et bruiteur et sous l’œil de plusieurs caméras digitales activées avec discrétion par nos six mains d’artistes. Tous ces trucages et effets sont retranscris en direct sur grand écran. Les yeux du public balayent à la fois les artistes sur scène manipulant leurs objets miniatures et le résultat projeté. C’est assez magique. Pas question de refaire une scène nous ne sommes pas au cinéma, nous sommes au théâtre.Tout doit être rapide, précis, minutieux et spontané. On sort de là, ému, révolté et enrichi par le sujet abordé mais ébloui par les effets artistiques. C’est un spectacle qu’on ne peut pas décrire, on doit le vivre.
Jean-Claude Meymerit
Remarquable ! J’ai même cru que le Grand Théâtre partait en lévitation ! Carolyn Carlson vient de créer ce soir en première mondiale sa chorégraphie « Pneuma » sur une musique du compositeur danois Gavin Brvars. C’est époustouflant à vous en couper le souffle. Un comble, pour un ballet qui évoque justement le souffle, la légèreté, le rêve, l’air, l’esprit aérien, l‘au-delà des nuages…! C’est un spectacle dans lequel il faut se laisser vivre au rythme de sa propre respiration. Ce ballet est inspiré du texte de Gaston Bachelard « L’Air et les Songes : essai sur l’imagination du mouvement ».
On doit aussi cette magnifique soirée au corps de ballet de l’Opéra de Bordeaux qui trouve là une nouvelle fois ses brillances contemporaines. Une vingtaine de danseurs, y compris certains solistes, tous au même rang, disparaissent et s’unissent dans la légèreté des gestes de la chorégraphie. C’est magique ! Les effets scéniques et les pas répétitifs sont d’une force inouïe. Le décor sobre des divers tableaux est d’une grande efficacité et les nombreux jeux de lumières nous font planer et rêver encore plus.
C’est un spectacle qui nous pénètre, au lever du rideau, dès les premières notes émises. Cette musique est envoûtante, elle n’impose rien, elle nous parle. En se laissant bercer, bousculer par le souffle, en regardant ces corps féminins et masculins se fondrent dans la légèreté, tout est dit, pas besoin de discours. La nature est bien là, dans nous et autour de nous.
Aussi, j’ai presque envie de dire que cette heure et demie passée en compagnie de Carolyn Carlson, de Gavin Brvars et des danseurs de l’Opéra de Bordeaux, vaut tous les plus beaux discours écologiques parlant de l’avenir de la planète. Avec ce poème-ballet, les réalités font surface. Que l’on soit humain, oiseau, papillon, végétal, air ou vent, montrés ce soir sur scène, l’espace et son infini nous attirera toujours par sa grande fragilité et son mystère.
Jean-Claude Meymerit
Un collectif d’une trentaine d’artistes plasticiens bordelais (peintres, sculpteurs, installateurs…), « Les Indépendants », campent pendant une dizaine de jours dans ce magnifique lieu qu’est cette ancienne église Saint-Rémi.
Dès l’entrée, nous sommes happés par cette immense respiration que dégage la scénographie de cette exposition. Des voilages tendus dans la nef symbolisant un campement (d’où le nom, je suppose, de leur manifestation « Nomade »), permettent d’offrir au visiteur une dimension plus humaine du volume de l’église.
Comment toujours lorsqu’on entre dans un tel lieu aussi vaste, une hésitation de quelques minutes nous envahit, par où commencer ? Mes yeux grands ouverts balayent l’ensemble de toutes ces sculptures, ces grandes toiles et ces installations…sans encore distinguer la particularité de chaque œuvre. Car ici on peut parler d’œuvres. Des toiles aux couleurs osées, aux motifs et sujets affirmés. Des styles complètement opposés, mais absolument pas présentés dans l’esprit catalogue souvent rencontré qui ressemble le plus souvent à un déballage du dimanche matin d’un marché de brocante qu’à une exposition artistique. Ici, les organisateurs ont su appréhender l’espace en mariant subtilement toutes les œuvres. Magnifique travail de scénographie !
Comme il serait fastidieux de décrire le travail de ces nombreux artistes exposants, ou insolant de ne parler que de certains et pas d’autres, j’évoquerai simplement les quelques émotions reçues, grâce aux traits géométriques sur fond totalement noir, aux couleurs violet et vert flirtant sur des bleus crus, aux lettres et aux chiffres séquestrés dans des cubes, aux familles de portraits se prélassant au sol…
En sortant de cette étonnante exposition, une question traversa mon cerveau encore tout imbibé de ces belles sensations : pourquoi ce genre d’exposition ne retient pas l’attention du Bus d’Art contemporain de la Ville de Bordeaux ? Un peu de curiosité et de communication serait suffisant à valoriser ce genre de manifestation innovante comme celle de nos Nomades… Indépendants…au lieu des sempiternelles mêmes galeries privées d’expositions classiques de tableaux et de photos, visitées par ce même Bus. Nous n’avons peut-être pas la même définition du mot Art contemporain !
Jean-Claude Meymerit