Autant l’avouer tout de suite, je n’ai pas du tout d’attirance pour cet opéra de Jean-Philippe Rameau, les Indes galantes. L’ayant vu en 1978 sur cette même scène je m’étais juré de l’exclure de mon répertoire de spectateur, même si la distribution vocale de l’époque était de grande classe, avec des voix célèbres (Massard, Garcisanz, Issartel…).
Pourtant, comment ne pas résister à l’appel d’un ouvrage signé Laura Scozzi pour la mise en scène ? Christophe Rousset a bien réuni tous ses Talents Lyriques, mais dans cette production, la star c’est elle. On arrive par moment, à oublier les longueurs et les passages musicaux fastidieux. Après son Orphée aux enfers de l’an dernier, le public attendait avec impatience ses Indes Galantes. « Ca va décoiffer !« , disait-on dans les chaumières. Les représentations de Toulouse en 2012, avaient déjà pas mal interpellé le public.
Et bien non, ça ne décoiffe pas, car Laura Scozzi nous parle de la vie, de la vraie vie, étonnante de vérité, le tout dans un paquet cadeau d’humour. Elle met en scène des tableaux fortement imbibés de problèmes actuels de société, religieux, politique, écologique… Lorsque la scène se situe dans un paysage désert au Moyen Orient évoquant la condition féminine ou dans les montagnes du Pérou dans une usine de fortune de fabrication de drogues dures, ou en Amazonie dans un plan de déforestation, ou bien encore sur une plage branchée juste à la sortie des égouts de la ville, Laura Scozzi nous questionne fortement. C’est évident que tous ces clichés, nous les connaissons par cœur, mais une petite piqûre de rappel ne nuit pas. De plus, dans certaines micro-scènes – le couple et son fonctionnement, la virilité et l’obsession sexuelle, le pouvoir, la vieillesse, la nudité, la grossesse…- Laura Scozzi s’adresse directement à notre sensibilité et à nos émotions.. Quelle chance de pouvoir apprécier ce genre de relecture, même si elle est parallèle au livret lyrique. Je préfère, car ce n’est pas l’histoire creuse et insipide de cet opéra qui peut nous émouvoir. Nous ne sommes plus au 18°siècle, même si ce genre d’opéra, comme les Indes galantes, doit rester avant tout un opéra de divertissement. En supprimant de vraies interventions de ballet, la metteur en scène nous propose ici de la figuration permanente très active dans des figures chorégraphiques étonnantes.
Côté musical, tous les jeunes chanteurs sont surtout d’excellents comédiens et se fondent parfaitement dans cette chorégraphie d’une extrême précision. Quelle prouesse de leur part – nager, sauter, courir, se dévêtir… et bien sûr, chanter.
Et Rameau dans tout ça, me diriez-vous ? Peu me chaut ! Sans de telles mises en scène il y a bien longtemps que nous n’entendrions plus parler de certains de tous ces opéras de style baroque.
C’est reparti ! Est-ce de la chorégraphie, du théâtre ? Ni l’un ni l’autre. C’est de la « spectaclerie ». Un spectacle bâtard. C’est ce qui ressort de la présentation de la Fausse suivante de Marivaux donnée actuellement au TNBA de Bordeaux. Une fois de plus nous y trouvons, singeries, vidéos, figuration inutile, mouvements intempestifs, bruitage musical de fond permanent (insupportable)…au déservice du texte de Marivaux. Celui-ci n’est qu’un prétexte à avoir le label, soirée théâtre. Tout y est parasite.
Certes, l’histoire de cette pièce, déjà compliquée en tant normal, devient ici hermétique. On ne comprend absolument rien. Qui dans la salle a suivi l’histoire ? En tout cas, pas les personnes autour de moi, qui la plupart ont déserté la salle, ou celles qui sont restées les bras croisés à la chute du rideau.
Il y a tellement de parasitage scénique, qu’on n’écoute plus le texte. Les scènes à deux personnages sont ennuyeuses à mourir. Les gags ne font même pas rire. Heureusement que les ballets de tulles mobiles avec des lampions lumineux suspendus, sont du plus bel effet. De très belles scènes chorégraphiques surgissent de ces tableaux sans texte, mais trop rare. Ce genre de soirée ni théâtre, ni danse laisse le spectateur sur sa faim.
Pour moi ce spectacle n’est pas une lecture moderne de la pièce de Marivaux. Ce genre de mise en scène ou scénographie enfonce au contraire le texte. Nous sommes avec cette pièce à l’opposé du Cyrano de Bergerac de Dominique Pitoiset. Avec cette dernière, la mise en scène apporte une force supplémentaire au texte initial, avec la pièce de Marivaux, la scénographie détruit le texte. Tout au long de cette longue et fastidieuse soirée je rêvais et voyais devant moi un simple décor 18ème siècle avec son décoroom et costumes de l’époque. Je suis sûr que le modernisme y aurait été beaucoup plus présent. Quant à l’interprétation, faute d’avoir la distribution mentionnée dans le programme, nous ne pouvons pas dire qu’un tel ou un tel est bien ou pas bien, nous ne savons pas quels rôles ils jouent. Alors que chaque technicien est mentionné dans sa branche , les comédiens ne sont pas fléchés en face des rôles. Pourquoi ? Ce qui prouve bien que le côté spectacle passe avant le côté théâtre.