Quand une idée (même utopique) vous trotte dans la tête pendant des jours et des jours, autant en parler à quelqu’un. Voilà chose faite. Je vous en parle. Je sors du Grand Théâtre de Bordeaux où je viens d’applaudir le très beau spectacle de ballet, Roméo et Juliette de Sergueï Prokofiev, dans une chorégraphie et mise en scène de Charles Jude. Ce ballet se déroule dans une scénographie, qui, depuis 2009, n’a pas vieilli d’un poil. Elle y inclut des décors mobiles stylisés, des changements à vue, des projections, des numéros de cirque…
Tout en regardant évoluer les magnifiques danseurs, je me mets à rêver. Et si la Direction de l’Opéra avait la géniale idée de réutiliser cet univers scénographique pour présenter l´opéra de Gounod. Cet ouvrage, que j’affectionne tout particulièrement, y trouverait pleinement sa place. En effet, ce décor de pans de bois qui s’animent au fil des tableaux et ces immenses tulles ne sont que sobriété et élégance. Le tableau de la place publique est de toute beauté. Les lumières précises et suggestives y sont aussi pour beaucoup. Tous ces ingrédients ne sont-ils pas l’idéal pour cet opéra ? A t-on besoin de chercher absolument des scénographies outrancières ou laides coûteuses sous prétexte de créations, ou de justifier des subventions publiques ? – à en juger par deux des dernières productions que j’ai vues, celle de Bordeaux en 2000 et surtout l’hideuse toute récente de Tours -. Par contre, seule celle de Nicolas Joël, que j’ai eu la chance de voir plusieurs fois au Capitole de Toulouse et à l’Opéra comique de Paris était à la fois puissante, délicate, belle et intelligente.
Avec ce décor bordelais de ballet nous entrons directement dans l’histoire du drame et l’accent est immédiatement mis sur les protagonistes. N’est-ce pas idéal aussi pour une production lyrique, classique certes, mais efficace et centrée immédiatement sur l’action, la musique et les voix ? A t-on besoin de plus ? Cet opéra comporte de nombreuses scènes de combats, qui doivent être réglées comme pour un ballet. Aussi, ne pourrait-on pas imaginer le concept suivant : avec un metteur en scène de théâtre, des jeunes chanteurs français et des scènes chorégraphiées à l’image de celles du Roméo de Jude, nous pourrions obtenir un très beau spectacle lyrique à moindre coût. En alternance avec le ballet de Prokofiev, nous aurions une vraie stratégie culturelle originale allant dans le sens de l’économie financière du moment.
Aussi, si par chance cette réflexion arrivait sur le bureau des dirigeants artistiques de l’Opéra de Bordeaux, nous pourrions assister dans les prochaines années, un soir le ballet de Prokofiev, le lendemain l’opéra de Gounod, dans le même décor. C’est l’époque des souhaits, rêvons !