Sur le billet d’entrée on peut lire les mots Slip Opéra Novart auxquels on doit ajouter le mot Glob. En effet, c’est grâce au Glob théâtre de Bordeaux que ce spectacle-défilé d’une très haute originalité est présenté ce jour dans le hall et l’escalier du Grand Théâtre. Il est interprété par la Compagnie Arsène d’Ivry-sur-Seine. Hommage au célèbre slip kangourou.
En ce jour de froid et de grisaille, une demi heure de bonheur et de rire vaut tout antidépresseur. Nos huit comédiens-mannequins dès leur entrée dans leur peignoir de bain blanc et leur tong, donnent le ton. Gestes et démarches gauches, sourires coincés ou trop détendus nous mettent d’emblée dans l’ambiance de la détente et de la bonne humeur. Le public installé autour de l’escalier central n’a jamais dû autant voir de slips kangourou de sa vie, sans parler des tous jeunes présents qui eux, ont dû se demander quel était cet objet venu d‘une autre planète.
Ce décalage artistique est génial. Voir ces hommes de divers âges en slip kangourou dans un décor d’un tout autre âge, voilà des images de très grandes forces.
Nos comédiens-mannequins défilent dans l’escalier, chacun mettant l’accent sur les avantages de son sous-vêtement. J’oublie de vous dire que sur chaque slip présenté, un objet était ajouter. Nous avons droit au slip cèpe, au slip clou, au slip tutu, au slip cendrier, au slip Bayreuth, au slip coupe cigare, au slip pélican, au slip huîtres, au slip lampe de poche, au slip Buren, etc, etc..mais mon préféré est le slip robinet de barrique d’ou jaillit une coulée de vin rouge directement dans un verre. Quelques passages sont illustrés d’airs lyriques…sans oublier le slip cheval dans une originale chevauchée des Walkyries. Les deux commentateurs du défilé s’amusent à se tromper, à faire des lapsus, des jeux de mots subtiles et faussement lourdingues…le tout dans la simplicité et sans prise de tête.
Au fait, pourquoi appelle-t-on ce slip blanc avec une poche frontale, slip kangourou ? Vous ne le saurez pas, vous n‘aviez qu’à venir. Les moments uniques ne se ratent pas ! Novart continue à taper fort dans l’art populaire de haut niveau.
Jean-Claude Meymerit
Ce soir vient d’avoir lieu à la Manufacture Atlantique de Bordeaux, dans le cadre de Novart 2013, la première représentation de « Viejo, solo y puto » (je vous laisse traduire). Cette pièce, qui a déjà reçu de nombreuses récompenses, est la première écrite par Sergio Boris, acteur et metteur en scène argentin.
Seulement voilà, malgré la force de ce spectacle, de son interprétation et de sa mise en scène, il y a un hic et il est de taille. Cette pièce est jouée dans sa langue originale, c’est à dire en espagnol. Dans tous les documents de communication de présentation de cette œuvre à Bordeaux, il est dit : « spectacle surtitré en français ». Le problème est que l’on ne pouvait pas lire le texte projeté par le surtitreur, trop pâle. Chacun sa technique, comprendre l’espagnol et rester, quitter la salle (comment malheureusement certains l’ont fait ne pouvant pas lire le texte projeté) ou bien rester et attraper un mal de tête terrible (c’est mon cas). Avec une avant scène trop éclairée par une forte lumière blanche, les surtritrages en fond de scène disparaissent. Il faut à chaque minute réadapter ses yeux afin de les faire passer du mode sans effort au mode écarquillement. Au bout de quelques minutes la gymnastique oculaire devient tellement fastidieuse que l’on reste en position veilleuse. Dans les dernières minutes alors que la lumière de scène baisse légèrement on arrive, enfin, à lire aisément les surtires. Ouf ! mais un peu tard ! Le mal est fait. Quelle souffrance et quel dommage de ne pas avoir profité du texte. Demain cela ira mieux car j’espère que les techniciens se pencheront sur ce problème, rien que par respect pour le public.
Si on ne fait qu’écouter la langue espagnol sans rien comprendre (comme moi) on se laisse toutefois entraîner par le jeu éblouissant des cinq comédiens. Quelle force de justesse et quelle énergie. Le tout dans un assez grand calme. Pas d’effets inutiles, pas de cris (très à la mode pour faire croire que l’on fait du théâtre). Avec nos amis comédiens argentins, c’est du grand art théâtral, comme on en voit que très rarement. Le discours est d’une justesse incroyable. On est tellement dans le « beau et le juste dire » que l’on a l’impression d’être dans les dialogues d’un film d’ambiance. Sans parler fort, les comédiens se font entendre. les mots se chevauchent, les dialogues simples, doubles ou triples se distinguent. Le naturel au service de l’art théâtral.
Le décor représente l’arrière boutique d’une pharmacie argentine. Il donne le la de la situation, même si j’aurais préféré un peu plus de réalisme dans le décor général ou un peu de bruits de cette grouillante ville lorsque les portes de la pharmacie s’ouvrent. Ce genre de détails n’enlève rien au travail esthétique percutant du jeu et de la direction d’acteurs.
Rien qu’en ayant regardé toute la soirée des médicaments pauvrement installés sur de nombreuses étagères miteuses de cette pauvrette pharmacie, mon mal de tête a presque disparu. Médication par vision ou magie de l’art ?
Jean-Claude Meymerit
Ce soir, place de la Comédie à Bordeaux, soirée d’ouverture du festival Novart avec danse et musique dite « soirée des improbables ». Encore une soirée comme on en voit partout, pouvait-on penser, mixant ces deux formes artistiques ! Et bien non, ce fut ce soir un bel événement de culture populaire au sens le plus noble du terme. Les gens étaient heureux. « j’adore ce genre de soirée » dit une dame de la cinquantaine, « enfin une soirée de haut niveau, et accessible à tous« , dit une jeune homme, « ce soir, c’est super ! ça change ces soirées élitistes bordelaises où les gens applaudissent du bout des doigts » dit un petit groupe de jeunes,…
Mais pourquoi cette soirée a plu ? Il faut dire que tous les ingrédients étaient réunis. Tout d’abord le niveau artistique des musiciens et des danseurs – Centre d’animation Argonne , Kader Attou, Per’culture, Animaniaxxx, Bumcello, Velotronik, Tribal Bitûme, Tukafac, N.Y Posse… – Quand on entend et voit sur scène jouer et danser ensemble des artistes amateurs et professionnels, on ne peut qu’applaudir des deux mains. Enfin, les deux classes culturelles réunies dans la même rame (comme à la Sncf), distingo fortement entretenu et maintenu par la grande famille de la Culture. L’une dite « reconnue » et l’autre….souvent méprisée d’ailleurs par les mêmes.
La deuxième réussite de cette soirée est la provenance géographique des formations. Quel bonheur d’applaudir en même temps sur une même scène des groupes de Mérignac, de Bordeaux, de La Rochelle, de Bruxelles, de Cenon …La troisième raison de la réussite de cette soirée, c’est l’écrin environnemental du concert, place de la Comédie. Combien rêve de se produire dans un tel cadre.
Ce soir, avec ces trois ingrédients réunis (et d’autres certainement), ne sommes-nous pas, enfin, face à une vraie manifestation culturelle à la portée et pour la joie de tous, tout en offrant un niveau artistique de haut niveau ?
Pourquoi demain ne pas imaginer un spectacle théâtral place de la Comédie avec un très grand classique théâtral (un Shakespeare, un Molière, un Rostand etc…) comme cela se faisait il y a quelques années dans certains lieux bordelais de plein air, avec des compagnies théâtrales locales et nationales.
En attendant, le cru de Novart 2013 s’annonce très bien et cette soirée des improbables est un signe fort du probable.
Jean-Claude Meymerit