La Symphonie en trois mouvements de Strawinsky habitait par toute la compagnie du corps de ballet de l’Opéra de Bordeaux. Un enchantement des yeux sur d’étonnantes performances ! Cette Symphonie est une œuvre que j’affectionne tout particulièrement et ceci depuis de très nombreuses années. Pourquoi certaines œuvres entendues par hasard restent ainsi gravées au plus profond du disque dur de notre cerveau ? Sa force est exceptionnelle. Aussi, avec la présence de corps en mouvement, cette force devient encore plus éloquente. La chorégraphie de Richard Wherlock est enchanteresse. Pas un seul instant de lassitude et de répit. Les danseurs sont omniprésents, ils entrent, ils sortent par les trois côtés de la scène (rare dans les chorégraphies). Les lumières sont remarquables. Sans compter les costumes de grande beauté esthétique. Vestons clairs et pantalons bouffants sombres. C’est la classe.
J’ai toujours pensé que les danseurs de l’Opéra de Bordeaux avaient la fibre contemporaine. Dans les séries Tendances présentées régulièrement sur cette même scène nous en sommes chaque fois convaincus. Aujourd’hui entre les mains de Richard Wherlock, la compagnie exulte. Magnifique travail !
Par contre, quitte à déplaire à beaucoup d’entre vous, je me suis profondément ennuyé avec les deux premiers ballets présentés dans ce programme autour de Strawinsky. Je ne sais pas pourquoi. Cette chorégraphie néoclassique de George Balanchine semble à mes yeux dater. J’ai l’impression de voir et revoir, depuis des années, mille fois les mêmes choses. Heureusement que des Pina Baush (tout récemment au Grand Théâtre) et des Richard Wherlock passent par là !
En ce dimanche après-midi, alors que les rues de Bordeaux et la place de la Comédie étaient gavées de monde, dans la salle du Grand Théâtre le public brillait par son absence. De très nombreux fauteuils attendaient. Je suis sûr que si le Kiosque culture de Tourny avait été ouvert, le plein aurait été fait et de nombreuses personnes auraient pu partager ces moments inoubliables de danse.
Jean-Claude Meymerit
Comment parler d’un homme qui lui-même est l’exemple et le modèle même du beau mot bien placé, bien posé et qui frappe immédiatement l’imaginaire ! Tant pis je me lance ! J’espère qu’il ne m’en voudra pas. Connaître et apprécier Michel Suffran, c’est se laisser emporter dans un torrent de mots et de belles images. Qu’il nous parle de Mauriac, de Montherland, de Ionesco, de Cervantes, d’Anouilh… le temps s’arrête et l’apesanteur se fait sentir. On a l’impression d’avoir face à nous ces personnages illustres.
En ce dimanche pluvieux, je me suis laissé entraîner, comme de très nombreuses personnes, sur le chemin du Domaine de François Mauriac, à Malagar sur les coteaux de Saint-Maixant en Gironde. Michel Suffran nous y attendait avec sa nouvelle pièce « Je m’appelle Jean Gilles« , librement inspirée du roman d’un autre écrivain bordelais André Lafon, décédé en 1918. Le texte de cette nouvelle pièce théâtrale est limpide, ciselé, émouvant et d’une grande richesse poétique. Pour la mise en lumière de ce délicat texte, j’aurais préféré entendre et voir des comédiens oeuvrant avec un peu plus intériorité, d’émotion, de sensibilité physique et verbale. Des effets démonstratifs et artificiels étaient un peu trop omniprésents.
Lorsque Michel Suffran évoque ce jour là, les liens unissant nos grands écrivains tels que Mauriac, Lafon et Balde (alias Jeanne Alleman), je ne peux pas m’empêcher de penser à autre auteur bordelais, Jean de la Ville de Mirmont, mort en 1914, à l’age de 28 ans. A l’occasion de l’anniversaire des cent ans de sa mort (fin 2014), Michel Suffran souhaite obtenir de la Ville de Bordeaux l’installation d’une sculpture ou d’une stèle en hommage à cet écrivain, de préférence sur les quais, en résonance à ses poèmes, « l’Horizon chimérique ». Cette connaissance des auteurs régionaux d’une génération perdue qu’il possède avec autant de précision, n’empêche pas Michel Suffran d’être un citoyen actif et efficace de sa Ville en se battant pour des causes patrimoniales et culturelles.
Ne serait-il pas le Don Quichotte de Bordeaux ? (personnage qu’il affectionne plus particulièrement jusqu’à le revisiter en écrivant sa célèbre pièce « Don Quichotte ou le Chevalier au miroir »). En complicité avec d’autres comparses bordelais, on connaît ses nombreux et laborieux combats (sauvegarde de la maison du marin, le petit mousse, l’hôtel Saint Joseph…plaques à la mémoire de Rosa Bonheur, Marceline Desbordes-Valmore…) sans compter un de ses plus vifs échecs (portail roman de la cathédrale, enseveli …) et son actuel combat pour la reconnaissance à Bordeaux du poète Jean de la Ville de Mirmont.
Michel Suffran tel que nous le connaissons aujourd’hui est plus qu´un grand écrivain connu et reconnu de tous, il est aussi la mémoire vivante de toutes celles et tous ceux qui ont marqué la Ville et sa région.
Aussi, pourquoi n’aurions-nous à Bordeaux, un espace repérable par tous les bordelais et les touristes (vitrine, boutique, etc..), dédié à la présentation et à la vente des très nombreux ouvrages et écrits de Michel Suffran sans être obligés de deviner leur existence derrière de petites maisons d’édition ou d’espaces discrets de diffusion. N’est-il pas à ce jour l’écrivain bordelais le plus pugnace et le plus compétent portant sur sa Ville d’aujourd’hui, un regard à la fois historique, contemporain, et…littéraire ?