Soirées d’airs d’opéras : du meilleur au pire !

Posté le 8 juin 2013

Prenez une soprano, un  ténor, une mezzo-soprano et un baryton-basse et vous obtiendrez un cocktail lyrique idéal. En ce samedi soir où Bordeaux connaissait une liesse festive autour du fleuve réunissant des milliers de badauds, une toute petite poignée d’amateurs d’opéra avait pris le chemin de la magnifique église Notre Dame de Bordeaux pour assister à un gala d’extraits d’opéras offert par un groupe lyrique bordelais « Résonances-Groupe lyrique ». Ce groupe était formé ce soir là par Véronique Valray, Christian Lara, Jean-Philippe Marlière et Gaëlle Mallada, sans oublier Jean-Marc Fontana, pianiste au doigts de magicien. Des noms que connaissent de très nombreuses scènes lyriques, tout au moins pour les trois premiers noms cités. Ce Groupe a eu la géniale idée de mélanger des duos et ensembles super connus comme celui des Pêcheurs de perles, de Carmen, de Werther, de Rigoletto au moins connus comme ce duo extrait du Barbier de Séville ou carrément inconnus, comme cet autre duo extrait du Fernando Cortez de Gaspare Spontini. En cadeau de fin de concert, le Groupe, tout en se faisant plaisir, nous a offert le Duo des chats de Rossini, à quatre voix. Du plus bel effet.

Cette soirée fut un émouvant moment de grande fraîcheur musicale et de beauté vocale. La technicité de ces artistes et leur articulation nous ont enchanté. Lorsque j’entends ce genre de voix et la qualité d’une telle soirée, je suis rassuré. Pourquoi ?

Car, quelques jours avant, j’avais vu rouge (pas d’alcool mais de honte pour l’art lyrique) en assistant à une édifiante soirée apéro-opéra.Une centaine de personnes buvait et mangeait (normal pour un apéritif) et discutait pendant qu’une pauvre soprano aux sonorités sorties tout droit d’un salon agricole, s’époumonait avec des accents frôlant l’agonie. Où étais-je tombé ? J’aurais dû me méfier. Me promenant, je vois sur la façade d’un établissement bar-restaurant, un panneau annonçant cette soirée lyrique. M’adressant à l’organisatrice, celle-ci me signala que la chanteuse était très connue et qu’elle chantait souvent au Grand-Théâtre (bien sûr c’était faux). Par contre, elle ne connaissait pas son nom !…En grattant dans les tous les recoins de mon réseau lyrique, j’apprends que cette soirée, en hommage à la célébration de bicentenaire de la naissance de Verdi et Wagner (les pauvres !), était organisée en partenariat par des structures bordelaises des plus respectables et que la «célèbre chanteuse » n’était connue que d’elle même.

Se promenant entre les tables où la fourchette et la discussion avaient plus d’intérêt que les notes émises, notre soprano est passée de l’air du Trouvère, à un air de Carmen en passant par le grand air de Tannhäuser et un extrait de Traviata. Le tout dans le même registre en passant, aux forceps rouillés, du plus grave à l’aigu. Quel grabuge ! Comment faire aimer l’art lyrique à un nouveau public avec de telles prestations. Des jeunes attablés ont préféré quitter la place et comme je les comprends. Moi-même proche de l’asphyxie auditive, j’ai baissé les bras et suis sorti en catastrophe, respirer.

Le plus comique fut le programme distribué ce soir-là (que je garde précieusement) : une photocopie du choeur des esclaves de Nabucco (où étaient les chœurs ?) et tout le duo du final du premier acte de Traviata (où était Alfredo ?). Quel rapport avec les airs chantés ? Où étaient mentionnés les autres airs de cette soirée ? Du n’importe quoi !

J’estime que ce genre de soirée est inacceptable, surtout lorsqu’elle est en partenariat avec des structures culturelles réputées par leur sérieux.