Quel courage à Laura Scozzi d’avoir osé s’attaquer à la mise en scène de cet ouvrage d’Offenbach « Orphée aux enfers ». Chaque fois que j’ai essayé, au fil de nombreuses années, d’assister à une production ce cet opéra-bouffe, je me suis terriblement ennuyé. Où sont les airs ? Les morceaux de bravoure ? Les beaux ensembles de choeur ? Tout ce que l’on trouve avec bonheur dans la Périchole, Barbe bleue, la Belle Hélene… est ici, dans Orphée aux enfers, décousu, haché, disloqué. Pour un metteur en scène, ce doit être la galère. Mais paradoxalement cet ouvrage les attire ? La thématique ?
A l’Opéra de Bordeaux avec Laura Scozzi nous sommes au(x) paradis. C’est un festival de tableaux, tous plus riches les uns que les autres. Des trouvailles à la pelle. Des clins d’oeil à quelques sujets sociaux et économiques internationaux abordés avec beaucoup de goût et de délicatesse. Chez elle, ce ne sont pas des gags mais de multiples scénettes théâtrales musicales, qui se chevauchent et se succédent à une vitesse folle. Une véritable fourmilière. On ne sait pas quoi et où regarder. Laissez vos jumelles chez vous, elles ne vous serviront à rien. Le temps de fixer un personnage, il est déjà passé et c’est un autre qui prend le relais. Cet ouvrage est tellement ennuyeux, que seuls des talents comme elle, peuvent tout sauver. L’acte se passant à l’Olympe, transposée en maison de retraite pour grabataires très avancés, est un moment d’anthologie. C’est un bijou. Les chanteurs du choeur de l’Opéra de Bordeaux s’amusent follement, et nous amusent. On n’est pas dans du divertissement gratuit de fêtes de fin d’année, mais dans de la véritable expression théâtrale intelligente où tous les corps de métiers techniques (éclairage, maquillage, accessoires…) et tous les facettes de l’art vivant (théâtre, chant, danse, figuration, cirque) trouvent leurs places. Du merveilleux travail de comédie musicale. Merci Madame pour ce beau cadeau. Si je passe sous silence les voix, c’est qu’elles sont à mon goût un peu en dessous de le force scénique, dommage ! A part celle d’Eve Christophe-Fontana dans le rôle de Diane, qui domine le plateau féminin par une voix puissante, claire et timbrée.
Même si par ses mises en scène Laura Scozzi dit qu’elle aime provoquer, quitte a recevoir quelques huées, son talent nous guette à chacune de ses productions. Rendez-vous l’an prochain Bordeaux avec les Indes galantes de Rameau. Ca va décoiffer !…
Jean-Claude Meymerit