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Archive pour février 2013

Des anges me protègent !

A présent, plus rien ne peut m’arriver dans les transports en commun. Des « envoyées » officielles ou non, d’un mouvement religieux me suivent partout ! En très peu de jours, mon chemin les a croisées trois fois. Il s’agit de deux jeunes filles qui, par leurs insignes très distinctifs et explicites et surtout leur comportement, me font penser à des chasseuses d’âmes perdues ou de fragiles proies. La première rencontre avec ces deux donzelles fut un regard qu’une des deux m’adressa fixement les yeux dans les yeux dans une rame de tramway. Ayant perdu l’habitude de me faire draguer dans un lieu public avec autant de fermeté, je ne répondis pas. Face à cette tentative et son échec, elle remit ça en insistant. Choux blanc ! Je ne bronchai absolument pas. Elles descendirent du tram. Quelques jours après je les retrouve dans un bus, chacune cherchant leur proie. Paf ! Ça tombe sur moi. Une des deux s’installe en face de moi et commence à me sourire et me demanda comment ça allait. Imaginer ma gueule et ma réaction (vive). Tout le bus y a eu droit. Pas démontées elles recommencèrent avec un jeune homme qui venait de monter. Curieux et intéressé par autant d’audace, je laisse passer plusieurs stations pour voir comment elles s’y prennent. Ca a bien failli prendre. Une d’elle lui pose des questions sur ses études, ses loisirs et le jeune tout confiant et flatté, étale dans le moindre détail sa vie, jusqu’au moment où elle s’adresse à lui en parlant plus bas, le jeune répondit non et descendit aussitôt du bus. La troisième rencontre avec ces « envoyées » eut lieu à nouveau quelques jours après. Dans le tram. J’étais assis en bordure d’allée. Presque personne. Un voyageur me cogna l’épaule avec son sac en passant dans le couloir. C’était un des deux jeunes filles. Elle s’excusa et comme pour s’excuser encore mieux, elle vient s’installer (avec sa coéquipière) bien en face à moi (alors qu’il y avait des places libres partout). La technique « opération sourire » recommença, mais ma froideur et mon indifférence gagnèrent sur ma hargne. Elles ont une manière de vous fixer jusqu’a ce qu’elles obtiennent une réaction de la proie. Or avec moi, la proie est faisandée.


La Comédie française serait-elle devenue un sanatorium ?

La honte ! Que de toux que de toux ! Jamais je n’ai entendu autant de cacophonie de toux que lors de cette soirée passée à la Comédie française. C’est vrai que la saison aidant, les microbes bien au chaud dans la nouvelle parure du Théâtre français voulaient se faire entendre en prouvant que la nouvelle acoustique du théâtre était au top et qu’ils étaient plus vigoureux que les vers. 

Malheureusement, avec Andromaque en toile de fond, les toux intempestives se faisaient beaucoup plus remarquer que les répliques de Racine. Le pire fut à chaque précipité de rideau : la salle en chœur se mit à tousser dans un bruit infernal de bravos, de rire et de toux. L’horreur !

En règle générale, lorsqu’on repère des tousseurs dans les salles de spectacles, on peut établir plusieurs catégories : il y a le tousseur chronique qui chaque fois qu’il est dans une salle, se doit de tousser. Il y le tousseur jaloux qui veut faire mieux que son voisin. Il y a le tousseur tubar d’un âge avancé, qui offre avec bruitage en prime à ses microbes, des pastilles bien enveloppées qu’il cherche au fond de sa poche ou sacoche. Lorsqu’il est accompagné de madame, le temps qu’elle cherche dans son sac, dans quelle boite ou dans quel papier ces fameuses pastilles contre la toux sont planquées, un acte s’est écoulé. Il y a la tousseur cabo qui attend le bon moment pour nous balancer quelques belles notes sonores. Je ne parle pas par contre du discret, le vrai tousseur, le vrai malade, qui essaie de retenir sa toux dans son foulard son écharpe, son mouchoir, sa main afin d’étouffer le son. Parait-il que c’est l’émotion qui provoque la toux, surtout à l’opéra. A approfondir. Ainsi, voilà comment j’ai passé deux heures avec Racine dans une cacophonie intolérable et irrespectueuse pour les comédiens et le public.

La prochaine fois, je vous parlerai d’un autre fléau dans les salles de spectacles que sont les concerts de bouteilles d’eau en plastique. Bouteilles que l’on torture et que l’on écrase entre ses doigts, bouteilles qui roulent, bouteilles que l’on cherche désespérément dans ses vêtements et sacs, bouteilles que l’on renverse etc.. Pourquoi les directeurs de théâtre n’interdisent-ils pas l’entrée de toutes ces bouteilles plastiques. 

Deux heures sans boire, mon Dieu, ma ligne !



A l’Opéra de Bordeaux : le Dialogue des Carmélites au féminin

En 2009, j’avais écrit à l’occasion de la splendide reprise de cet opéra à la Halle aux grains de Toulouse, dans la mise en scène de Nicolas Joël, que cet opéra était l’opéra de la force : force du sujet, force de la musique, force de la scénographie, force des carmélites. A Bordeaux, c’est l’opéra de l’élégance, de la classe, de la féminité grâce au talent de Mireille Delunsch et à sa précision de mise en scène jusque dans les moindres détails. Comment ne pas oublier ces rampes mobiles de dizaines de cierges, symboles du carmel ou servant de barrières avec les civils etc…Comment ne pas être bouleversé par ces petites flammes s’éteignant les unes après les autres comme éteintes par le vent produit à chaque couperet. Sans oublier, le revirement de situation sociale du domestique du Marquis de la Force qui prend la place de ce dernier à la Révolution. Subtile lecture. Par contre, je ne suis pas convaincu par quelques détails historiques comme laisser la jupe au faux-cul sous le costume religieux de Blanche ou par les acrobaties de la vieille prieure à l’agonie montant sur sa « table/lit de mort » comme un cabri… 

Même si l’histoire de ce Dialogue des Carmélites est bien connue de tous, elle éveille en chacun de nous de grands moments émotionnels. Cette profonde attention est due en grande partie à la musique de Francis Poulenc. Quelle force dans ce torrent de notes où la mélodie et le modernisme s’accordent dans l’absolu ! L’apothéose, en écoutant le choeur final, lorsque les carmélites, chantant à l’unisson, s’interrompent les unes après les autres sous le poids de la guillotine. Une splendeur dans l’écriture lyrique. Quel dommage que Georges Bernanos n’ait pu connaître sa pièce portée sur les scènes d’opéras ! En effet, les créations eurent lieu en présence de Poulenc en 1957 à Milan et à Paris, cinq ans après sa mort.

A Bordeaux, mon coup de foudre a été, d’une part pour la sublime Géraldine Chauvet (Mère Marie). Quelle classe !  Voix puissante et beauté du timbre, émotion dans le jeu, et d’autre part par Sylvie Brunet (La Prieure), voix de velours et fruitée reconnaissable dès les premières notes. Quel dommage de ne pas voir et entendre cette immense artiste plus souvent sur les scènes lyriques. Rien à dire sur tous les rôles masculins avec une préférence toutefois pour l’aumonier, Eric Huchet. Par contre, je n’ai pas trouvé dans la direction musicale de l’orchestre cette envoûtante émotion tant attendue. Pourquoi ? Aurai-je été trop absorbé par la très théâtrale et intelligente mise en scène ? Avec Mireille Delunsch et ses carmélites, la séduction féminine a opéré !

Jean-Claude Meymerit