Comment parler d’une oeuvre qui est une oeuvre mi figue, mi raisin. Pardon ! Je veux dire mi-théâtre mi-opéra, en tout cas une oeuvre dont, une fois sorti et planté sur le parvis du Grand Théâtre, on ne me souvient pratiquement plus de rien. C’est grave ! Pourquoi ce sentiment très désagréable ? Je l’avoue, je me suis énormément ennuyé. Oui, par la musique,. Oui, par la mise en scène. Oui, par l’histoire, car je n’ai rien compris. En partie due, par la faute du lustre de la salle, qui cache le surtitrage. Dommage, car je suis un fan d’opéras contemporains (trop rares à mon goût sur les scènes lyriques). Mais alors que s’est-il passé ? Ca y est je crois savoir. Je suis venu ce soir comme je le fais pour toutes les soirées lyriques, sans rien potasser. Ce soir, ne connaissant absolument pas l’oeuvre, et pour cause puisqu’il s’agit de la première d’une création mondiale, j’ai voulu me rendre compte de l’effet produit sur quelqu’un, lorsque celui-ci se rend pour la première fois à l’opéra entendre une oeuvre de Wagner ou de Janaceck, sans rien savoir à l’avance. J’ai volontairement fait exprès de ne rien vouloir savoir sur cette création afin de me laisser aller à mes impressions premières. Moralité, si on ne possède pas un minimum d’information, on ne peut pas apprécier correctement.C’est vrai qu’il est plus difficile de rater dans les médias l’information d’un match sportif entre deux méconnus villages de campagne qu’un spectacle théâtral ou lyrique dans une grande ville. Ce soir, j’ai vu de la lumière, je suis entré. Et bien ce principe-là de découverte spontanée individuelle, ne fonctionne absolument pas. Il est regrettable que l’Opéra de Bordeaux soit à quelques euros près, pour ne pas éditer une feuille recto verso présentant les créations, distribuée gracieusement. Ce manque d’initiative me dépasse. On préfère laisser le public dans le flou. Pour une structure qui a de plus un statut national, un minimum de pédagogie auprès de son public le soir même, serait la bienvenue. Maintenant que je sais que le texte de ce pseudo opéra ou de cette pseudo pièce de théâtre musicale est issu d’un grand poète russe Daniil Harms, que la mise en scène est de Christine Dormoy, dame de théâtre, de la Cie du Grain et que la musique est d’Oscar Strasnoy, je vais essayer de revenir voir cette oeuvre pour mieux l’apprécier. J’espère ainsi effacer cette impression fugace d’avoir vu et entendu un opéra comme si j’avais lu ou vu un vulgaire fait divers de rue. C’était peut être ça la démarche contemporaine non avouée de cette oeuvre…Nous sommes dans le festival Novart ne l’oublions pas !
Jean-Claude Meymerit
26 novembre 2012
Comment peut-on, pour la énième fois, présenter sur scène un spectacle racontant les déboires de la vie d’une femme, avec autant de non-respect pour elle ? Quel est le but de tous ces one woman shows ? Il en pleut pas dizaines dans tous les théâtres. A qui s’adresse ce genre de numéro affligeant ? Quelle tristesse et quelle désolation. Celui que je viens de voir ce dimanche-ci est pitoyable. Quelle vulgarité. Seule riait une dame dans la petite salle et encore ! Elle ne riait que sur certains sujets axés sur le sexe (eh oui, souvenirs, souvenirs…!). La comédienne (mot un peu fort) seule sur scène gesticule au son de bribes musicales des plus mal choisis, ses phrases se terminent le plus souvent par euh (vraiment pas signe de talent). Sa voix à peine audible et mal placée nous assène de propos mille fois entendus comme un catalogue de blagues à deux sous ou de catalogues pornographiques. Au cas où le public ne comprendrait pas, elle nous offre en prime quelques gadgets sexuels, et autres ustensiles. Le texte est farci de phrases gratuites ou de noms de personnalités faisant allusion à tous les mauvais reportages people. Que de clichés ! C’est à croire qu’il n’existe aucune pièce bien écrite par des femmes parlant aux femmes. Je ne dis pas que les one man shows actuels sont mieux, loin de là, mais pourquoi, vous mesdames, vous engouffrer-vous également dans ce genre de prestations théâtrales et de surcroît mal écrites. Vous croyez, parce que deux ou trois pinpins rient que c’est gagné et que vous êtes comédienne ou que les messages de la condition féminine passent ? Vous vous trompez. Heureusement que tous ces sujets-là existent dans de grands textes de théâtre, de romans, de nouvelles, de textes poétiques etc… L’humour et l’érotisme peuvent s’y côtoyer, mais sans la vulgarité. Pourquoi ne pas les utiliser ou s’en inspirer ?
En ce dimanche pluvieux et triste, un rendez-vous culturel bordelais était proposé en compagnie du très grand homme engagé, humaniste, résistant, littéraire… Armand Gatti. Même si le public n’avait pas beaucoup répondu présent à ce rendez-vous, moi, je ne voulais pas le manquer. J’y étais et ce fut un immense bonheur. Cet homme âgé de 88 ans n’a pas perdu de sa niaque verbale et de son humour. J’ai toujours fortement apprécié ses oeuvres théâtrales. Combien de fois n’ai-je pas eu envie de monter une de ses pièces, mais chaque fois, j’étais intimidé devant l’écriture et les sujets traités. J’en avais presque peur et surtout j’étais très impressionné par tant de force et de liberté dans les mots et les jeux. Des sujets graves allant de l’holocauste aux formes théâtrales révolutionnaires, en passant par des sujets traitant des dictatures, des marginaux, des malades, des exclus (les loulous comme les appelle Gatti), etc. Cet après-midi, il a choisi plus particulièrement de nous transporter dans l’univers de ses conversations avec les arbres, ses « arbres de combat » comme il dit fort justement et avec plein de tendresse. Des arbres militants et animés. Des arbres avec des noms. Ses mains en disent souvent autant que sa voix. Il les fait bouger symétriquement puis les bloque dans des mouvements de bras souvent tendus vers le ciel dans le sens de la verticalité, celle de ses arbres et de ses règles de vie. Sa voix, susurreuse ou tonitruante mais surtout bien placée en vrai homme de théâtre, fait jaillir les mots jusqu’au plus profond des syllabes. Malgré son âge on retrouve encore le Gatti des années 70, impressionnant de prestance et de passion.On sent qu’il veut tout nous raconter sa vie d’une seule traite, les anecdotes fusent et les références bouillonnent. Son maquis à l’âge de 18 ans, ses arrestations, ses enfermements, ses évasions, ses rencontres, ses amours, son père. Il nous narre également son séjour à Bordeaux en travaux forcés à la base sous-marine puis son cours passage de deux jours suite à une évasion d’un camp de Hambourg. Là où j’ai été le plus impressionné, instant où il a été difficile de maîtriser ses larmes, c’est lorsqu’il raconte ses visites à Auschwitz tous les 24 février, jour anniversaire où la femme qu’il a passionnément aimée, a été arrêtée et déportée. À chaque visite dans ce lieu indescriptible, il parle avec les arbres rencontrés. Ainsi, la discussion avec sa bien-aimé continue. Cet homme nous racontant ces faits, avait lui-même les yeux pleins de larmes. Le trop plein d’émotion avait envahi la salle. Merci Monsieur Gatti.
Jean-Claude Meymerit