Soirée époustouflante en ce vendredi soir au Pin Galant de Mérignac. Vous savez mon peu d’admiration que j’ai pour ce lieu laid et insipide, mais ce soir, le décorum s’est évaporé pour ne laisser l’oreille et les yeux qu’à ce magnifique trio que sont l’Ensemble Artaserse, Philippe Jaroussky et Marie-Nicole Lemieux. Un contre-ténor et une contralto réunis. Pour rien au monde, je n’aurais raté ce concert tel que nous aimerions en avoir plus souvent sur nos scènes. On a déjà tout dit sur cet ensemble de musiciens l’Ensemble Artaserse, talentueux certes mais également généreux et souriants, heureux de nous offrir en immense cadeau de musique du 17° allant de Monteverdi à Cavalli en passant par Strozzi, Sances, Merula, Sartorio…. Que de découvertes musicales ! Au milieu de ce groupe de passionnés musiciens, nos deux idoles. Philippe Jaroussky avec toujours cette exceptionnelle maitrise, ce talent fou et subtil et cette voix qui nous fascine et ô combien, magique. Marie-Nicole Lemieux est peut-être moins connue par le grand public que son complice mais elle a séduit et conquit immédiatement ce public, grand habitué du lieu. Elle peut y revenir, son succès est assuré. Quoi dire sur cette chanteuse ? Elle a tout. Dans mon article sur son « Italienne à Alger » en janvier dernier à Nancy, j’avais déjà exprimé toute l’admiration que je porte à cette chanteuse. Voix magistrale, timbre exceptionnel de contralto. Tout de velours haut de gamme. Ces aigus, des sabres dorés. Son humour et sa présence physique, fracassants. Attention toutefois de ne pas trop en jouer. Le public peut s’en lasser. On le voit déjà avec une autre chanteuse dont ses pitreries commencent à agacer sérieusement. Marie-Nicole Lemieux nous émeut jusqu’aux larmes puis tout à coup nous fait hurler de rire par une pirouette au sens propre et au sens figuré. Comme elle dit elle-même très justement on peut être sur scène, sérieux et joyeux à la fois. Comme elle a raison. Ces deux artistes ont de plus les qualités que l’on aime et que l’on apprécie profondément : ils ont une gentillesse débordante, un grand respect pour leur public, une disponibilité rare en prenant le temps d’échanger ou d’écouter des jeunes avides de conseils. La complicité sur scène de ces deux chanteurs est magique. Ils ont su présenter leurs airs et leurs duos dans des enchainements de jeu scénique mixant derrière chaque note et mot un tourbillon de sentiments d’amour, de passion, de jalousie, de fureur, de vengeance et d’honneur. Est-ce du théâtre-concert ou du concert-théâtre ? Un genre très peu répandu et qui plait. Que la musique baroque engendre autant d’enthousiasme chez un public en fête, c’est gagné. Ce public, serait-il las de tous ces concerts de musique baroque qui paraissent si souvent ennuyeux ou tout le monde est triste, chanteurs, musiciens et public ? Philippe Jaroussky et Marie-Nicole Lemieux ont tout compris. Le tourbillon des sentiments (titre de leur concert) pourrait s’intituler le tourbillon du bonheur.
Jean-Claude Meymerit
Pour la troisième fois en dix ans, l’Opéra de Bordeaux reprend le Don Giovanni dans la très efficace mise en scène de Laurent Laffargue. Toutefois, cette reprise m’interpelle.
Où sont donc passés cette fougue, ce modernisme de jeu, cette jeunesse libertine, cette précision dans la direction d’acteurs et dans les rouages de la mise en scène des productions de 2002 et 2006 ? En ce soir de première, tout l’ensemble semble éteint. Le tout premier acte est mortel d’ennui. Il faut dire que notre metteur en scène préparait en parallèle sur la même scène les Noces de Figaro (magnifique, j’en parlerai plus tard). D’où cela peut-il venir ? La mise en scène n’a pratiquement pas bougé, les effets comiques sont toujours là, les voix (à une exception près) sont présentes, le décor est toujours aussi surprenant…mais alors ? Peut être pas assez de répétitions, un orchestre un peu vagabond et incertain, un assemblage de petits détails mal réglés comme par exemple la tâche de sang au sol qui semble faire des siennes en bougeant et en se retournant au grès des passages et des changements de décors, les portraits du catalogue qui ne tiennent pas contre le mur et qui gênent les jeux des scènes futures, l’utilisation d’un crayon tellement fin pour dessiner les croix du cimetière qu’on ne les voit même pas (planerait-il à un nuage d’économie pour renflouer les caisses disparues ?). A tout ceci, il faut y ajouter un parti pris pas des plus heureux : cranes rasés des trois protagonistes (Don Juan, Leporello et le Commandeur). Un crane rasé oui, trois non, que c’est laid !
Soyons optimiste et attendons l’évolution au fil des représentations.
La majorité des voix est sans reproche. Une Donna Anna en la personne de Jacquelyn Wagner, sublime. A sa rayonnante voix il y ajoute tendresse, intelligence et finesse. Une Zerlina (Khatouna Gadelia) enjouée, une voix veloutée, accompagnée d’un physique idéal. Par contre mauvais temps pour notre Donna Elvira (Mireille Delunsch). Que lui arrive t-il ? Laideur des graves presque parlés, des passages « abimés », un jeu éteint. Quelques aigus brillants mais rares. Elle n’y croit pas. Elle qui fut une merveilleuse Elvira il y a quelques années ! J’appréhende sa prise de rôle de Salomé. Entre nous : est-ce bien raisonnable de l’aborder ? Quand je pense qu’une journaliste bordelaise rabâche que c’est la chouchoute des bordelais. Depuis quand ? A en croire les quelques remous dans la salle ce soir là à son égard, où sont les fans ? Notre Leporello (Kostas Smoriginas) fait un parcours sans faute servant son maître Don Giovanni (Teddy Tahu Rhodes) qui lui surjoue un peu trop avec son physique et sa voix. Quelques nuances auraient été les bienvenues. Rien à dire pour nos deux compères amoureux Masetto et Don Ottavio (Sébastien Parotte et Ben Johnson).
Par contre, l’Orchestre national Bordeaux-Aquitaine, sous la direction de Mikhail Tatarnikov ne me semble pas avoir été des plus attentifs à la lecture de l’ouvrage ce qui n’a fait qu’appuyer cet effet lenteur et ennui sentis au cours de la soirée.
Jean-Claude Meymerit
Je ne savais pas que la carte d’abonnement TBC (Transports Bordelais en Commun…) offrait, depuis peu, avec le pack tram/bus/vélo, un nouvel avantage, l’avion. En effet, je viens de l’utiliser pour un récent vol vers une grande ville européenne. En enregistrant mon voyage à Charles de Gaulle, j’ai présenté à tous les guichets de contrôle, (à l’aller et au retour) ma carte TBC (au lieu de ma carte d’identité) et ça a marché. Ne croyez pas que je l’ai fait exprès, je n’aurais pas osé et surtout pas pu. Je ne m’en suis absolument jamais rendu compte. J’en suis, même avec le recul, toujours mort de honte et en même temps…ivre de plaisir. Que de déshabillages et de frôlements corporels on subit dans tous ces aéroports (ce qui est normal) mais jamais les détecteurs retentissent sur les mêmes objets. Cette fois je sonne fort. Aussitôt branle bas de combat. J’avais l’impression d’être pris pour un grand terroriste en puissance. Décidément après mon aventure à Londres (voir résumé dans ce blog), maintenant c’est Hambourg qui me repère. Un agent me bloque, un autre me fait passer dans une cabine, l’agent féminin qui était dans la cabine à attendre la prochaine suspecte voyant arriver un homme quitte la place précipitamment pour me laisser entre les mains expertes de l’homme habilité à s’occuper des hommes. Je sonnais toujours et à un endroit bien précis (je vous laisse deviner). En fait, j’avais une pièce d’un centime d’euro coincée dans un repli du fond de la poche droite de mon pantalon. Sauvé ! Et comme dirait le slogan de ma carte TBC : « bouger ça crée des liens ». Pendant ce temps, pour en revenir à elle, elle attendait bien sagement dans le plateau avec le reste de mes affaires. Quand je pense que les contrôleurs, pendant que je sonnais, ont dû certainement jeter un regard sur cette carte. « was ist diese karte ? » auraient-ils pu me demander, « dies nicht ein Pass ! ». Quel choc j’aurais eu et quoi répondre ! Peut-être que J’aurais dit : « vous savez, j’ai tellement l’habitude de l’avoir entre les mains que je ne m’en sépare plus, car à Bordeaux dans les transports en commun il faut la valider à tout instant, sans quoi on a une amende de cinq euros ». Cette absurdité les aurait bien fait rire, eux qui à Hambourg montent et descendent sans validation aucune. Ils doivent avoir uniquement sur eux un titre de transport correspondant à la zone géographique du réseau qu’ils utilisent à l’instant T, c’est tout. Deux villes : la confiance pour l’une, la suspicion pour l’autre. Nous sommes aux antipodes ! Me voilà de nouveau à Bordeaux dans le tram. Vite ma carte TBC. Où est-elle ? Bizarre ! Avec mon billet d’avion ? Mais alors où est ma carte d’identité ? Bien rangée et dormant au fond de mon portefeuille. Je réalise. Le rire !
Un couple d’une soixantaine d’années, accompagné de leur petite fille, prend place dans un wagon Tgv Bordeaux-Lille. À peine avaient-ils repéré leur place que la grand-mère se croyant chez elle (c’est vrai qu’il est 10h, l’heure habituelle du ménage), commence à râler très fort comme quoi les sièges sont sales, que le ménage n’a pas été fait etc…et qu’elle allait en parler au contrôleur. Le grand-père attaque une longue logique de choses implacables : « avant chaque nouveau départ le train doit être contrôlé et nettoyé ». Ça c’est dit. L’agent Sncf ayant eu la malchance de passer par là, reçu, comme promis, le mécontentement de la ménagère en mal de serpillière. Comme effectivement elle en dit des tonnes, le mari lui rétorque devant le contrôleur : « tu exagères! « . Une fois le nettoyage effectué, en commentant chacun de ses gestes afin que tout le wagon soit au courant, une scène de ménage (ou ménagère) arrive avec l’épisode d’un sac mal mis sur le porte-bagages : « je t’avais dit de mettre le sac debout, car il y a une bouteille » dit-elle à son mari, « je te l’ai redit en montant dans le train et tu n’as rien écouté’ . Le débat est lancé. Seulement il fallait prendre place et à trois sur un pack de deux places vis-à-vis, quelqu’un doit se trouver automatiquement en sens inverse de la marche. Insoluble, La fille se met dans le sens et les grands parents devront choisir. Pas moyen. Ils restent debout à se chipoter. Déjà, nous avons, entre Bordeaux et Libourne, une affaire de sac et de bouteille et de sens de marche. Ça promet ! Les deux, une fois installés, le grand- père enchaîne alors avec sa série de questions à la Lepers en les adressant à sa femme et à sa petite fille (pas si petite que ça l’ado de 15 ans !) sur tout ce qu’il voit. Et il en voit des choses ! Mais la petite s’en fou. N’ayant qu’une travée de bagages stockés entre-nous, j’étais aux premières. Je passe sur tous les commentaires des plus insipides les uns que les autres et toujours dit aussi fort. Personne ne réagit. Moi, je crois que je ne vais pas tarder. Lorsqu’ils voient du linge séchant aux fenêtres, leur premier souci : « il n’est même pas attaché« . Passant au-dessus d’une autoroute en région parisienne, ils poussent en choeur un grand cri : « ce monde ! c’est encore plus bloqué que sur la rocade de Bordeaux !« . Passant vers Orly-ville au-dessus d’une rivière, le grand-père dit « c’est la Seine« , « mais non-dit sa femme, « c’est un étang« . Redispute. Vient ensuite un grand moment d’anthologie. Une annonce indique que ce Tgv va sur Lille et Strasbourg. Le grand-père à la science infuse, se retrouve face à sa leçon de géo d’antan et sa stupéfaction de non-compréhension sur la logique de la Sncf. Moi, sur mon siège, rire à en crever. Et il commence son développé en professeur familial : « il vaudrait mieux que le train arrive d’abord à la gare d’Austerlitz puis ensuite à la gare de l’Est, ce serait plus court, plutôt que passer par Lille pour aller à Strasbourg ! ». Je vois la fin de mes jours arriver tellement je m’étouffe de rire. Il me tardait d’arriver à Marne-la-Vallée pour voir sa tête. En effet, le Tgv entre en gare et l’annonce dit : séparation de ce Tgv, la rame n°… va sur Lille et la rame n°…va sur Strasbourg. Sans se démonter le grand-père dit à ses deux femmes : « vous voyez que j’avais raison, on ne passe pas par Lille pour aller à Strasbourg ! » Cette fois c’est bon, je meurs !. Comme ils repartent sur d’autres élucubrations, je me lève et leur fais signe de se taire avec le geste de la main « de la fermer » (pas très fair-play peut être, mais efficace). La douche froide a marché. Silence sur toute la ligne puis tous les trois ont eu un rire commun nerveux. Qu’est ce que j’ai dû prendre en aparté. J’ai vite perçu leur vexation, car lorsque j’ai voulu changer de place un peu plus loin pour ne plus les supporter, la place était réservée et suis revenu à ma place de supplice. Et c’est là le défoulement du grand père qui se fit sentir immédiatement « il y en a qui se croient au cirque ! » dit-il encore tout fort. Quelle puissance, cette phrase ! L’arrêt Roissy est là, je fais semblant de les ignorer et descends. Eux aussi prenaient un vol car dans l’aérogare, je les croise qui se disputaient une nouvelle fois à haute voix, car ils n’étaient pas d’accord sur le terminal d’embarquement. Que le temps passe vite avec ce genre de personnage sans gêne, mais quel ramassis d’idioties. Qu’en pense la gamine ?