Quel esthétique spectacle ! Peut-être trop bien léché et surtout trop théâtralisé. Quelques fois le trop « bien fait » et l’excès de théâtralisation tuent et passent avant le drame musical. Mais le public bordelais adore ces nouvelles présentations d’opéras. On ne va tout de même pas trop s’en plaindre ! Quoique ! En pinaillant légèrement, j’aurais aimé un peu plus de réalisme et de fantaisie dans cette oeuvre de Cocteau. A-t-on toujours besoin aujourd’hui à faire au théâtre du correctement visuel ? On voit vite que Stéphane Vérité est un magnifique homme de théâtre qui a les moyens financiers mais qui oublie certains détails importants ! Comme par exemple les interventions du narrateur que l’on entend à peine. De ce fait on perd certains éléments clés de l’histoire. Pourquoi avoir donner ce look à Elisabeth au tout début de l’oeuvre. Elle ne fait vraiment pas jeune fille mais plutôt bourgeoise mure sportive. La musique de Philip Glass composée en 96, que je déguste avec délicatesse, peut déplaire à certains car répétitive mais quel fourmillement et quel pétillement de notes ? Celles-ci sont entre les six mains de trois talentueux pianistes – Françoise Larrat, Jean-Marc Fontana, sous la direction de Emmanuel Olivier – . Ceux-ci se regardent, s’écoutent, la fosse est aussi pleine musicalement que s’il y avait eu un orchestre. J’entends par là que cette musique de Glass a une force étonnante. Sur scène, les quatre artistes chanteurs jouent et chantent. Le baryton Guillaume Andrieux dans le rôle de Paul nous émeut et joue vrai. Quel talent ! Dans le celui d’Elisabeth, Chloé Briot surjoue trop. Un peu plus de naïveté et de gaminerie et de « laisser-aller » auraient été idéales. Par contre sa voix nous séduit. Gérard est interprété pas Olivier Dumait. Le travail de cet artiste est propre et sans bavure mais par défaut de mise en scène son texte n’est pas mis en valeur. Le personnage de Agathe/Dargelos joué par Amaya Dominguez, dans des tenues de haute couture, possède une voix avec toute cette séduction veloutée et ambigüe du personnage. Dans l’ensemble tous ces enfants sont bien sages !
C’est un spectacle très classe. Je ne peux pas ignorer les magnifiques vidéos projetées qui donnent à l’ouvrage des dimensions insoupçonnées. Bien sûr, l’utilisation de cette technologie a ses limites surtout lorsqu’elle tombe en panne en pleine émotion scénique et qu’apparait à l’écran la page de garde de l’ordinateur laissant ensuite la place au rideau qui tombe pour un entracte impromptu d’un quart d’heure, le temps de réparer. Dommage ! Très belle soirée qui restera toutefois gravée dans les mémoires et dans les archives.
Jean-Claude Meymerit
20 novembre 2011
Avez-vous déjà sauvé la vie à quelqu’un ? Moi oui, ce matin même. C’est vrai que cela n’est pas monnaie courante et que statistiquement parlant il n’est pas prouvé qu’un individu sauve un quelqu’un dans sa vie. Cela fait un drôle d’effet surtout lorsque ce geste normal baigne dans une indifférence la plus totale. Bien sûr, on se sauve pas quelqu’un pour sa propre gloire, pour un article dans la presse locale (pourtant très friande) ou pour une statue de héros, mais un simple merci peut éponger un peu de la peur vécue.
Une petite dame élégante d’une cinquantaine d’année toute vêtue de noir avec un guilleret chapeau attend au bord du trottoir du quai du tramway, comme si elle voulait traverser. Mais son hésitation attire mon regard. Voyant arriver la rame et la regardant faire, je me dis « elle ne va tout de même pas traverser maintenant ? ». Et si ! Le temps qu’elle fasse le mouvement de vouloir descendre du quai je la saisis par le bras et la tire en arrière juste sous le nez du tram qui était sur elle. Le chauffeur, qui avait dû voir la scène, klaxonne à notre niveau. Je me retourne vers notre rescapée pensant qu’elle m’aurait adressé un petit signe de la tête et peut être esquissé un doux merci. Bigre, non pas, que nenni ! Rien. Je monte dans la rame, elle aussi et toujours rien. Tant pis me dis je ! Je ne l’ai pas fait pour moi. Et si mon geste lui avait interdit d’en finir ? Je suppose qu’elle m’aurait engueuler. A mon arrêt je descends. Elle reste dans le tram avec toujours cette tête et ce regard sans vie. Un sentiment bizarre me gagne. Voulait-elle se suicider ? Etait-elle préoccupée et absorbée ? Etait-elle shootée ? A t-elle eu un moment d’inattention ? N’a t-elle pas encore tout réalisé ?