La déesse Venus avait donné à Frédéric Maragnani de très efficaces ingrédients.
Une Belle Hélène (Maria-Riccarda Wesseling) à la diction à faire pâlir de jalousie certaines chanteuses françaises, un Pâris (Sébastien Droy)) au beau timbre et beau gosse. Un Oreste (Christine Tocci), un Agamennon (René Schirrer), un Calchas (Philippe Ermelier) tous des plus efficaces et surtout un remarquable Ménélas (Rodolphe Briand) à la superbe précision d’interprétation. Ces trois derniers, dans le célèbre trio, sont éclatants. C’est un bijou. Sans oublier tous les autres rôles, parfaits.
Les décors (ou le décor) sont beaux et imposants. Toute ressemblance avec certains lieux architecturaux bordelais n’est pas un pur hasard mais bien souhaitée par le metteur en scène. Quelle chance ! Enfin la célèbre caserne des pompiers de la Benauge des bords de Garonne repeinte.
Mais alors pourquoi avec tous ces excellents ingrédients (y compris les perruques choucroutes très drôles, les traditionnelles chaises longues, la voiture électrique…) le spectacle reste assez pâlot ? On s’y ennuie. Tout le monde en effet ne s’appelle pas Laurent Pelly. Vouloir copier, oh, que c’est vilain !
Dans une ambiance année soixante les chanteurs semblent être livrés à eux-mêmes. Être metteur en scène de théâtre ne veut pas dire être metteur en scène d’opéra ? Ce n’est pas non plus en faisant gesticuler quatre danseurs qui « s’époumonent les jambes », à force de vouloir faire impression. Le pire de l’ennui vient surtout du rôle donné au magnifique choeur de l’Opéra de Bordeaux. Les pauvres chanteurs me font pitié. J’avais envie de leur hurler, réveillez-vous ! Ils entrent, ils sortent à la queuleuleu et chantent. Encore auraient-ils représenté des choeurs antiques, même à la sauce sixties, pourquoi pas ! Mais être posés là en potiches et figés, c’est triste pour eux et pour nous. Quelle chape de béton dans cette magnifique partition d’Offenbach. Claude Schnitzler à la tête de Orchestre national de Bordeaux Aquitaine s’applique, mais ne donne pas ce côté de fantaisie et tendresse qu’exige la pétillante partition de cet opéra dit bouffe.