Emporté par un enthousiasme à basculer d’un balcon (si j’avais été bien sûr, dans une vraie salle d’opéra), j’ai applaudi un écran de cinéma. En effet, je me trouvais ce samedi 14 mai dans une salle ordinaire d’un cinéma, à une retransmission en direct du Metropolitan de New York. Une salle moyennement remplie. C’est vrai qu’aller assister à une représentation de la Walkyrie un samedi fin d’après-midi dans un complexe cinématographique de banlieue, cela tient plus d’une erreur d’aiguillage de tramway qu’à une volonté de plaisir à se cultiver. Ceci dit, moi j’y étais. Et tant mieux pour moi et dommage pour les absents. Quelle soirée !
A l’affiche, les plus beaux chanteurs du moment dans ces rôles wagnériens (Siegmund et Sieglinde). Vous vous impatientez de savoir qui ? : Jonas Kaufmann et Eva-Maria Westbroek. Pour moi, ce sont actuellement sur la planète les deux meilleurs chanteurs pour aborder ces deux rôles du frère et de la soeur jumelle (et pourtant j’en vois et j’en entends). Le metteur en scène avait même ajouter à Kaufmann quelques longueurs de plus dans sa chevelure, si bien qu’ainsi, ils arrivaient à se ressembler. Leurs voix, somptueuses. Du chant, rien que du chant ! Tout y est beau et merveilleusement bien fait. Le aigus de Siegmund aussi tranchants que son épée, le timbre et le moelleux de Sieglinde aussi vrai que sa douceur de visage et de jeu.
A la fin de leur duo du premier acte, lorsque le rideau se ferme sur eux à 6 000 km de là, l’émotion est entrée jusqu’au bout des poils de duvet de la peau. On restent béas et cloués avec un sentiment d’impuissance face à ces moments de grâce. Puis tout à coup, une fois ce moment indescriptible passé, les mains se rapprochent brutalement et sans contrôle expriment tout leur contentement. Ce soir, j’ai applaudi l’écran. Tant pis !