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Archive pour février 2011

Ariane à Naxos, toutes en voix !

Quel bonheur ! Des voix ! Et quelles voix ! Je parle des voix femmes !
Voilà enfin des soirées d’opéra que l’on aime et que l’on aimerait avoir un peu plus souvent.
Pouvons-nous mieux rêver qu’Heidi Melton dans le rôle d’Ariane ? Cette soprano que Bordeaux connaît bien après son Amélia du Bal masqué et son Elisabeth de Tannhäuser. Je me souviens lui avoir dit un soir après une représentation du Bal masqué : « A quand Ariane ? » C’est fait. Je ne me suis pas trompé et l’Opéra de Bordeaux a eu raison en l’engageant. On pourrait faire le même éloge pour la Zerbinette de Brenda Rae. On reste cloué par la facilité, l’agilité et surtout l’aplomb de sa ligne de chant dans un rôle truffé de difficultés. Que dire du Compositeur, magnifiquement tenu et chanter par Elza van den Heever ? J’avoue préférer dans ce rôle, la tessiture d’une mezzo soprano plutôt que celle d’une soprano lyrique. Cela dit notre Compositeur est d’une vaillance de jeu et de voix remarquable. Je ne veux pas oublier les trois autres rôles féminins, Naïade, L’Echo et Dryade tenus par Mélody Louledjian, Eve Christophe et Katharina Magiera, qui ont enchanté l’auditoire. Du très beau chant en dégustation.
Que les hommes me pardonnent, mais j’ai eu quelques difficultés à adhérer à leurs voix. Ingratitude des rôles masculins, écrasement des voix femmes ? Je ne sais, en tout cas ils ne me laissent pas beaucoup de souvenirs, y compris Bacchus qui a chanté aux forceps égratignant au passage quelques beaux moments musicaux straussiens.
Dans la fosse, la grâce. Notre Orchestre national et son chef Kwamé Ryan, avec le faible effectif souhaité par Richard Strauss, nous ont transporté et offert cette beauté suave des opéras « roses » de l’auteur.
Reste la mise en scène de Roy Rallo. L’acte-prologue démarre merveilleusement bien. Le choix d’une galerie d’art contemporain au lieu d’un salon bourgeois viennois fonctionne très bien et même très bien. Fonds de murs délabrés, lavabos (enfin les revoilà sur scène, ils me manquaient…), décors salis volontairement, et présence unique d’un immense oeuvre contemporaine. Tout cela se tient et les chanteurs ont l’air de s’y sentir bien. Puis brutalement à l’acte principal tout tombe dans la laideur. Laideur du décor et surtout de l’éclairage. Quel manque de respect pour le public. Ce n’est pas sombre, c’est très mal éclairé. Les visages dans l’ombre. On pense plus à une panne électrique ou a un service minimum des électriciens jour de grève, qu’à une subtilité de mise en scène. J’ai là en mémoire des spectacles très sombres presque dans le noir mais que c’était beau, on arrivait à voir (grâce à de talentueux metteurs en scène et éclairagistes) les visages et le jeu de physionomie des chanteurs. Ici rien. Lorsque l’on vient voir un spectacle vivant c’est pour voir les protagonistes et surtout les solistes qui chantent. De plus, soit je n’ai rien compris dans l’histoire, mais il semble que l’intrigue dit que pour gagner du temps et pour ne pas ennuyer les invités, les deux troupes séria et bouffe joueraient en même temps. On parle même de comédiens de la commedia del arte. Où étaient-ils donc ? Nous avions sur scène deux prestations identiques. À aucun moment, on ne distinguait au premier coup d’oeil le séria du bouffe. Bien sûr l’intention du metteur en scène est plus sensée, plus intellectuelle, plus recherchée. En clair, il a voulu dire quoi ? Que l’amour, que l’on soit sérieux, triste ou joyeux est le même, que ce n’est pas parce qu’on plaisante toute la journée que l’on est heureux en amour, etc etc… OK on a compris ! Et le respect de l’histoire et le respect du public (voire des chanteurs) où est-il ? Je rappelle que cet unique acte est musicalement d’une beauté extrême, alors pourquoi vouloir nous gâcher ce plaisir à l’oreille par la laideur de la vue.
En toute objectivité, si je ne dois garder qu’une seule image de la mise en scène de cette production, c’est l’ouverture sur la fin du duo d’amour qui clôture l’ouvrage, des portes de l’arrière-scène du Grand Théâtre qui laissent entrevoir la rue arrière. C’est la première fois que je vois l’utilisation de ces portes. Que c’est fort et beau !



3M puissance 4 !

On me demande souvent de raconter la célèbre anecdote concernant les 3M bordelais (appellation usitée à Bordeaux pour désigner les trois célèbres personnalités littéraires bordelaises, Montaigne, Montesquieu et Mauriac). Comme elle est souvent reprise avec enrobages pas souvent des plus heureux, je viens par cet écrit la relater dans sa version originale.
C’était au cours d’une réunion professionnelle par visioconférence entre une dizaine de personnes, par moitié une direction bordelaise et sa hiérarchie parisienne. L’objet de cette réunion, par vidéo interposée, était l’organisation d’un congrès sur Bordeaux de très haut niveau devant réunir une quarantaine grands décideurs internationaux scientifiques. L’objet de la discussion arrive sur le choix d’un cadeau de prestige symbolisant Bordeaux, à offrir à toutes ces personnalités. Mon supérieur de l’époque, se prenant toujours pour un symbole de la connaissance universelle et riche en idées originales à faire pâlir les catalogues de pacotilles à trois sous de cadeaux de fin d’année, propose un coffret de bouteilles de vin de Bordeaux (pas très original mais mieux que des tasses avec le Pont de Pierre peint). Presque arrivé en crise d’apnée devant le peu d’originalité, je me lance dans une proposition et lui glisse à l’oreille « pourquoi pas un bel ouvrage sur les 3M bordelais« . L’idée semblant le séduire, il annonce à nos interlocuteurs à 600 kms de là, cette proposition. Au lieu de me donner la parole (car j’avais déjà fait des répérages), il prend pour lui la proposition et dit à nos interlocuteurs « je vous propose un beau livre sur les 4M ».
À l’annonce de ce chiffre, je commence à me liquéfier. Avec les autres personnes de la salle nous nous regardons avec un frisson de détresse. Nos collègues parisiens demandent immédiatement qu’est ce que c’est que les 4M ? Et notre supérieur bordelais dans une envolée d’orgueil leur dit « vous ne connaissez pas les 4M bordelais ? » et se lance tel un gladiateur, la culture à la main, à l’assaut de Paris et écrasant sur son passage le petit culturel bordelais qui lui avait soufflé l’idée : « il s’agit de Montaigne, Montesquieu, Mauriac (et oui, il savait !) et… » À cet instant, nos visages se figent comme transformés en mascarons. Nous attendons avec effroi le quatrième M et comme bien sûr ce nom ne vient pas, je me lance et jette tout fort à nos interlocuteurs parisiens : « Meymerit  » (c’est mon nom). Éclat de rire chez tout le monde et stupéfaction chez notre cow-boy en culture bordelaise. Ce que ne dit pas l’histoire, c’est à qui il pensait pour illustrer le quatrième M ?