Un panneau : antiquités ! Chic, je vais pouvoir trouver mon bonheur en matière d’objets de l’Empire (couteaux, verres, montres, cannes etc), car à l’entrée de cette minuscule boutique dans le quartier St Pierre, trônait une statuette de Napoléon. « Et que veut ce charmant Monsieur ? » (eh oui !), me demanda une jeune femme au visage ciré ressemblant à une statue de poupée en céramique comme celle exposée dans son magasin. « Avez-vous des montres à gousset, c’est pour un spectacle, elles n’ont besoin d’être en état de marche » lui dis-je en retour. « C’est pour payer moins cher ? » fut sa réponse de commerçante. Surpris, et pour ne pas être désagréable à mon tour, je lui demande ce qu’elle possède en matière d’objets représentant cette époque. « Je ne connais pas l’Empire et ma cousine est à Monoprix »…Faut suivre ! Cette fameuse cousine arrive, sans un regard et un bonjour. Elle fut immédiatement briffée par la poupée de cire et me dit brutalement « c’est pour acheter ou pour repérer ? » Avec un grand merci et au revoir, j’ai quitté ces commerçantes pour qui l’antiquité, à en juger leurs visages fortement restaurés, est pour elles, plus une peur du passé qu’une passion professionnelle.
« Entre vie et théâtre, mes personnages pris dans vos rêves ont pesé chair ».
C’est par ces magnifiques mots, que Claudie Gallay vient de me dédicacer son roman « Lamour est une île » qui vient de sortir chez Actes sud.
Comme toujours chez cette auteur, les personnages, les situations et l’ambiance sont très forts et précis. Une écriture flirtant avec le rythme théâtral. Coïncidence ou simple exercice de style spécial à ce roman ? En effet, dans son livre, le théâtre trône. Nous sommes transportés au festival d’Avignon en 2003, en pleine canicule et de surcroît pendant la grève des intermittents du spectacle. Entre les personnages femmes et hommes de la scène, celles et ceux de passage dans la ville ou les sédentaires, on ne sait plus très bien qui est vrai et qui est artificiel. Qui fait du théâtre et qui est dans la vraie vie ou vice versa. Éternel miroir ! Entre une actrice toujours follement amoureuse d’un metteur en scène vivant sur une péniche. Entre un auteur de pièce de théâtre curieusement mort avant l’édition de sa pièce. Entre la jeune sœur de ce poète disparu venant en Avignon chercher des vérités. Entre une moins jeune habitante de la ville, hébergeant chez elle pendant le festival de jeunes comédiens du Off tout en se souvenant des Jean Vilar, Gérard Philippe, Laurent Terzieff…Tout ce petit monde se croise, joue, souffre, aime pendant que les manifestants s’interdisent de jouer ou interdisent l’accès à la scène aux autres. Dans ce roman, les personnages sont tellement forts qu’on imagine immédiatement derrière eux, des visages actuels célèbres. Combien de fois, il a fallu que je stoppe ma lecture pour ôter de ma vision, des Adjani dans le rôle de La Jogar, des Samie dans celui d’Isabelle, des Caubère dans celui d’Odon, etc…..Et le crapaud ? Quel rôle ! Quel amour !
(Rencontre avec l’auteur chez Mollat, le 13 octobre 2010)
Jean-Claude Meymerit
ll y avait bien longtemps que je n’avais pas assisté à un spectacle de ballet aussi vibrant, entraînant le public dans un tourbillon de bonheur. Il fallait observer la tête des gens aux entractes et à la sortie, souriants, détendus, joyeux. Certes, la plupart avaient déjà entendu parler de cette magnifique compagnie, ou vu le spectacle ailleurs qu’a Bordeaux. Il faut dire que cette compagnie à l’originalité implacable d’être composée uniquement d’hommes. Elle a été créée en 1974 et tourne dans le monde entier. Comme beaucoup de « balletomanes », je connaissais certaines extraits de ce spectacle par des images filmées et photos. Les voir sur scène, c’est un feu d’artifice d’humour dans une perfection de technique et de performances réalisées. Le public bordelais semblait recevoir comme par enchantement un piqûre de rappel de comportement d’amateur de spectacles de danse. C’est ainsi que je me suis revu lors de ces grandes soirées de ballet au Grand Théâtre lorsque le public applaudissait à tout rompre les diverses figures à l’intérieur de tel ou tel pas de deux et autres figures. Aujourd’hui malheureusement, et je le déplore, rares sont les gens qui applaudissent les performances d’une danseuse en plein fouettés ou celles d’un danseur en pleines envolées. Aussi, ce fut ce soir, un bonheur collectif unanime, rarement senti dans un théâtre, pour un spectacle de danse.
Les « Trocks », le diminutif de cette compagnie, avait couché dans le programme, un extrait de l’acte II du Lac des cygnes, le Grand pas classique, le Go for Baroco, la Mort du Cygne et Paquita, Mais, qu’est ce qui fait que cette compagnie nous chavire dans le rire et dans l’admiration ? C’est que leur professionnalisme dans la technique et dans l’expression scénique sont au zénith. Lorsque un danseur, au gabarit frôlant les videurs de boites de nuits, en tutu sur les pointes, fait un sourire ou lance une œillade avec une légère exagération, la salle est en délire et il continue de danser. Le régal ! Tous ces effets de quelques dixième de secondes font tilt à tous les coups. Et je ne parle pas du clou de la soirée avec l’inénarrable danseur dans la Mort du Cygne et ses plumes qui, sortant de son tutu, tombent au sol en toute innocence. C’en est même très émouvant. Il faut avoir vu ce spectacle au moins une fois dans sa vie. Bravo ! »
Jean-Claude Meymerit
Source : www.paysud.com
12 octobre 2010