Posté le Vendredi 4 février 2022
© photo JCM
Sortant tout juste de la première représentation de Werther présentée à l’Auditorium de Bordeaux, le 31 janvier 2021, c’est avec un sentiment de frustration que j’en ressort. Pourquoi ? Il semble que la mayonnaise n’ait pas pris. Pourtant tous les ingrédients étaient bien aux rendez-vous, bien présents et bien chantants. En cherchant, on se rend compte que ce sentiment vient de tout un tas de petits détails à peine perceptibles mais qui mis bout à bout forment un assemblage empêchant l’émotion générale.
Pour un opéra assez intimiste, l’Auditorium n’est pas l’idéal. Pourquoi cette production n’a t-elle pas été donnée sur la scène du Grand-Théâtre, plus adaptée à ce genre d’ouvrage ? La mise en scène de Romain Gilbert véhicule tout au long de l’ouvrage beaucoup de contre-sens, d’explicatifs visuels inutiles, qui engendrent l’incompréhension et qui distraient, empêchant le spectateur de se consacrer à l’essentiel. Que le metteur en scène mette sur scène les héros Werther et Charlotte enfants, même si le procédé est vu et revu, pourquoi pas, mais il aurait dû nous donner une fiche explicative du pourquoi de leurs présences. Le temps que l’on comprenne le sens des situations pendant que le héros et son double enfant jouent ensemble, la musique et le chant passent à côté. Par ailleurs, on sait que Sophie est amoureuse de Werther, Benoit Jacquot dans sa mise en scène parisienne l’avait finement souligné grâce aussi au jeu subtil d’Anne-Catherine Gillet. Ici, c’est tellement appuyé, qu’une seconde histoire entre en ligne de compte et qui devient assez gênante. C’est d’autant plus vrai dans la scène finale pendant que Werther agonise en présence de sa bien-aimée Charlotte. Sophie arrive et assiste au délire de Werther. Ce qui distrait le public ce sont tous ces tous ces va-et-vient, ces incohérences, comme le premier acte où toutes les entrées centrales se font directement par une porte de tissu donnant sur un immense lit. Les chanteurs sont gênés par l’étroit passage. C’est brouillon et stupide. Pendant la scène des lettres et des pleurs, Albert rentre dans la chambre de Charlotte en robe de chambre. Ce qui veut dire qu’il fait chambre à part ? Alors que la scène!ne se passe dans un salon. On est perdu et on n’a plus du tout envie de réfléchir.
Par contre, la scénographie est bien adaptée à l’Auditorium. Elle fonctionne très bien autour d’un décor central sur plateau tournant. Tant qu’aux costumes, qu’est-ce qu’il se passe ? Charlotte prend 20 ans de plus, Albert a les mains rouges ? Werther semble avoir un costume mal taillé à ses mesures en tissus brillant de fin de solde. Les tentures noires de fond et de côtés sont vraiment placées en « caches-misère ». Les éclairages ont quelques hésitations. La plus belle scène visuelle du spectacle est la descente d’une cabane en haut du plateau, de flocons de neige dans laquelle Werther gamin, s’amuse pendant l’agonie de Werther.
Sans nul doute, Benjamin Bernheim est le Werther de notre époque. Il a, par sa jeunesse et sa voix, tous les attraits pour composer un touchant poète. Hélas, il ne semble pas très à l’aise scéniquement. Il faut dire qu’avec un costume mal taillé sans aucune tenue, une perruque frisée et des rouflaquettes légèrement décollées, le pauvre n’est pas aidé. Décidément ce metteur en scène aime les postiches de mauvais goût (on se souvient de l’horrible perruque rouge de Carmen pour Aude Extrémo). Pourquoi n’a t-il pas laissé le ténor avec son réel physique, comme l’ont fait Jacquot ou Serban dans d’autres mises en scène. Côté vocal, Benjamin Bernheim se donne à fond avec toutes les intentions et surtout tout la puissance vocale requise par ce rôle. C’est vraiment le futur grand Werther. Michèle Losier est Charlotte. Ses airs du troisième acte sont magnifiques. Même si elle semble ne pas être habitée par le personnage, la couleur et la projection de sa voix sont au rendez-vous. L’émotion de l’ouvrage semble démarrer à ce moment là. Lionel Lhote est toujours la valeur sûre. On l’aime, car comme dans de nombreux rôles, il campe admirablement ses personnages. Sa voix est toujours envoutante et passionnante. Florie Valiquette, peine un peu à défendre ce rôle très ingrat. La tenue des notes est un peu courte. Pourquoi toujours donner ce rôle à des sopranos trop légères ? Des autres membres de la distribution, ressort surtout Marc Scoffoni dans le rôle du Bailli.
Le grand gagnant de cette production est le chef d’orchestre Pierre Dumoussaud. Quelle précision et rondeur. Les musiciens sont happés par sa maitrise. N’est-il pas nommé aux Victoires de la musique classique ?
Jean-Claude Meymerit
Voulant savoir comment la production avait évolué depuis le 31 janvier, j’y suis revenu ce dimanche 6 février. Pas le moindre changement. Sauf que volontairement j’ai pris une place en haut de l’Amphithéâtre. Autant les voix de Werther et Albert passent aisément ainsi que celle de Charlotte pour ses airs, autant celle de Sophie et du mal à passer. La scénographie est intéressante et esthétique et les éclairages sont beaucoup mieux marqués vu d’en haut. Les va-et-vient des gamins et le tournis donné par le plateau tournant, sont beaucoup mieux acceptés par l’oeil.